Aujourd'hui, en guise de petit déjeuner, je vous propose de déguster l'écrivain ... Christophe LEON !
Merci à Christophe de s'être gentiment prêté au jeu de l'interview....
· Pourquoi écris-tu ? Est-ce quelque chose de facile à expliquer ?
La raison "matérielle" qui a fait que je me suis mis un jour à écrire est toute simple : j'ai dû garder le lit plusieurs semaines en 2000 et j'ai, à cette occasion, beaucoup lu. C'est un écrivain qui m'a donné envie d'écrire. Il s'agissait d'André Gide et de son journal dans la Pléiade. Dans un passage, il y décrivait un pouf ! Et cette description m'a passionné. Un pouf ! Et j'ai décidé d'être un jour André Gide, rien que ça... J'y ai pris goût et voilà.
· C’est quoi être écrivain ?
Dans mon cas, c'est avant tout être un "homme au foyer", s'occuper de ma famille, de mes enfants 70 % de mon temps. J'essaie dans les 30 % restant de trouver le moyen d'écrire. En vérité, je suis assez chanceux de pouvoir m'adonner à l'écriture dans de telles conditions. Je ne remercierai jamais assez mon épouse de faire bouillir la marmite (de gagner l'argent nécessaire au foyer), ce qui me permet d'être un écrivain à "temps complet". J'ai choisi de gagner moins, voire pas grand chose, et de vivre plus.
· Pour toi, écrire c’est quoi ?
Environ 4 heures devant son clavier chaque jour ; se relever en pleine nuit parce qu'on a une idée en tête ; être ronchon quand ça ne fonctionne pas ; abandonner des textes, y revenir, les abandonner à nouveau, etc. ; me ronger les ongles ; attendre l'avis d'un éditeur ; lire beaucoup ; et une quantité de petites choses qu'il serait trop long d'énumérer ici.
· L’écriture a-t-elle toujours été en toi ou est-ce quelque chose qui est arrivé tardivement dans ta vie ? Elément déclencheur ?
Comme je l'ai noté plus haut, la maladie fut l'élément déclencheur, ainsi qu'un passage du journal d'André Gide. Non, l'écriture n'a pas toujours été en moi. Ce fut plutôt une révélation. Je me trouvais même sacrément "gonflé" d'écrire. Étonnamment, le plaisir de lire est venu en même temps que celui d'écrire. Je ne vois d'ailleurs pas comment il serait possible d'écrire sans lire. J'avais 43 ans quand mon premier livre a été publié, un livre pour "adulte". Deux livres "adultes" ont paru avant que mon premier roman jeunesse ne voie le jour aux éditions L'école des loisirs. Oui, j'ai commencé plutôt tardivement.
· Ecris-tu pour toi ? pour un public ? Le public/l’éditeur t’a t-il influencé ?
Mon premier roman jeunesse a été écrit pour ma fille. Elle avait à l'époque 10 ans et m'a demandé de lui "faire" une histoire pour lui en lire des chapitres le soir avant de s'endormir. "Tu écris pour le grands, alors pourquoi pas pour moi ?" m'a-t-elle demandé. Et comme on ne refuse rien à sa fille, chaque jour j'ai écrit un chapitre de "Longtemps", mon premier roman jeunesse. Plus généralement, j'écris pour moi, dans le sens où il faut que je sois "intéressé" par ce que je fais (sujet, forme) pour pouvoir terminer un texte. Les éditeurs avec qui je travaille sont tous des "révélateurs" et nous peaufinons le texte ensemble . Quant aux lecteurs, eh bien j'espère qu'il y trouve son compte.
· Comment définis-tu tes romans ? qu’est-ce qui te guides ? te pousses ? te fais avancer ?
Un énorme ego. Je pense que tous les écrivains, connus ou non, ont un ego démesuré. Écrire et surtout vouloir être publié a quelque chose de prétentieux. Qui me pousse ? Moi. Personne ne vient me prendre par la main ni me force à écrire. Je crois avoir trouvé pour quoi je suis fait. Même si c'est dérisoire dans un monde où il faut produire et consommer, je suis heureux de ne "produire" que du "vent" et de consommer le moins possible.
· Cette fameuse imagination, d’où vient-elle ? de quoi t’inspires-tu ?
Ah, l'inspiration... Il m'arrive le plus souvent de trouver des idées, une trame ou un sujet durant ce moment particulier entre l'éveil et le sommeil, le soir en me couchant. En fait, je n'y suis pour rien. Mon subconscient fait tout le boulot. Il m'arrive aussi de prendre le train en cours de route. J'écris une première phrase, puis une autre et ainsi de suite. 99 fois sur 100 ça ne donne rien. Le 1 % restant doit être ce qu'on appelle l'inspiration.
· Qui te lis en 1er ? Un proche ? Pourquoi ?
Pour la jeunesse, ma femme et ma fille lisent les premières mes textes, ce qui donnent parfois lieu à bien des discussions. Pour les adultes, seulement ma femme. Pourquoi ? Parce que je fais confiance en leur jugement.
· Comment crées-tu tes personnages ?
Ils me viennent assez naturellement. Je les imagine d'abord. Ils fond un petit bout de chemin avec moi, dans ma tête. Ce qui fait que je peux paraître parfois absent, en grande discussion avec l'un ou l'autre de mes personnages. Bref, ils prennent mon cerveau en location et l'habitent un certain temps. Ce sont des locataires très envahissants. Ensuite, ils prennent forme sur le papier au fil de l'histoire. Je ne construis jamais de plan au départ, ce sont mes personnages qui mènent le jeu. Il arrive assez souvent qu'ils m'entraînent dans une impasse et que je les abandonnent à leur sort, quitte à les retrouver plus tard.
· Comment procèdes-tu pour écrire ? Un plan ? des carnets ?
Jamais de plan. Savoir à l'avance où je vais aurait tendance à me lasser très vite. Je n'aime pas faire du remplissage. Peu de notes, parfois des recherches historiques ou sociales. Bref, je préfère travailler sans filet, au risque de me casser la binette.
· A quel moment de la journée écris-tu ? Avec quoi ? Une heure précise ? Isolement ?
Mon activité est réglée sur la famille. J'écris quand je ne fais pas la cuisine, le ménage, le linge et le reste. En règle générale, j'écris de 7h30 du matin à 11 h30, et parfois en début d'après-midi. J'écris à l'ordinateur, pour la simple raison que je n'arrive pas à me relire quand j'utilise un stylo. Et j'ai besoin de silence et d'être isolé pour écrire.
· Est-ce que lecture et écriture vont de pair ? Faut-il aimer lire pour écrire ?
Oui, je pense que la lecture va de pair avec l'écriture. De toute façon, lire est essentiel pour comprendre le monde qui nous entoure. Plus notre lexique (les mots avec lesquels nous nous définissons et définissons "l'autre") est grand, plus nous sommes en mesure d'"imaginer" ce qui nous entoure. La lecture est, j'en suis certain, un facteur de paix.
· Ta bibliothèque, quelle est-elle ? Comment sont ces livres , Beaux livres, poches… genres ?
Je suis depuis longtemps un fana de bibliothèque et de médiathèque. L'essentiel de ce que je lis provient d'un rayonnage de bibliothèque. J'ai aussi la chance de recevoir beaucoup de livres que les éditeurs m'envoient ( ce qu'on appelle des services de presse). Des amis écrivains me font aussi parvenir leurs ouvrages.
· Pour toi, lire c’est quoi ?
C'est faire sa propre petite révolution. Lire est l'une des dernières activités gratuites qui ne produit rien et consomme si peu. Lire c'est perdre son temps en gagnant le double, le triple... Lire n'est pas anodin, d'ailleurs les dictatures et les régimes autoritaires commencent souvent par brûler les livres, non ?
· Te sens-tu libre comme écrivain ? As-tu eu à souffrir de la censure ?
Je n'ai jamais eu à souffrir de la censure, si ce n'est celle qu'on s'impose à soi-même, et qui est la plus insidieuse.
· T’interdis-tu des choses dans l’écriture ? L’éditeur te « dirige »-t-il beaucoup ?
Je ne m'interdis rien. Certaines choses me sont interdites d'elles-même. Par exemple, je ne sais pas écrire de la Fantasy, de la SF ou du polar. J'ai aussi beaucoup de mal à utiliser des mots grossiers ou orduriers. Jusqu'à présent, mes éditeurs ne m'ont jamais "dirigé"mais plutôt conseillé.
· Quels sont tes auteurs préférés ? tes lectures préférées ?
Je lis peu de littérature jeunesse, davantage d'essais en sciences humaines et sociales. Je m'intéresse aussi beaucoup à tout ce qui touche à l'écologie. S'il fallait nommer des auteurs (mais j'ai peur que ça ne dise rien aux jeunes lecteurs), il y aurait : Edward Abbey, Richard Brautigan, Osamu Dazaï... et bien d'autres encore.
· Les livres jeunesse qui t’ont marqués chez les autres ? Un livre de chevet ?
Les Oui-Oui, notamment "Oui-Oui n'aime pas l'école". Pas de livre de chevet, mais quantité de livres se trouvent en permanence sur mon bureau.
· Quel est le livre que tu as écrit pour lequel tu gardes une affection particulière ?
Je vais botter en touche en répondant : tous. Ils sont comme des enfants pour moi et je me vois mal en répudier un au profit d'un autre.
· Qu’est-ce ce que la littérature jeunesse pour toi ? Une littérature à part entière ?
Une littérature entièrement à part, oui, mais en lien direct sa grande soeur, la littérature "adulte". Je pense qu'il ne faut pas faire l'économie d'écrire quand on écrit pour la jeunesse. Les sujets peuvent être différents de la littérature "adulte" mais l'écriture ne doit pas être "simplifiée" ou "différente". L'exigence doit être la même. La littérature jeunesse est déjà de la littérature et c'est parce qu'elle le sera qu'elle permettra aux jeunes lecteurs d'entrer en littérature dite générale.
· Qu’est-ce qu’un auteur jeunesse ?
Une femme ou un homme, comme vous et moi.
· Faut-il lire les classiques ? Pourquoi ?
Drôle de question. Il faut lire — certainement. Les classiques, les modernes, les ultramodernes, tout ce qui tombe sous la main et présente un intérêt pour le lecteur. C'est selon l'humeur, le moment et l'envie. La lecture est un plaisir. On peut lire un passage, un chapitre, une ligne, tout un livre, quand on veut, où on veut, comme on veut. On peut corner, souligner, rayer, arracher, mâchonner ou tremper dans l'eau. La lecture est une liberté à mettre à l'épreuve, ce n'est ni un tabou ni une raison de se vanter.
· As-tu un avis sur l’avenir du livre ? Les nouvelles technologies vont-elles le tuer ?
Je ne sais pas. Les nouvelles technologies si elles devaient " tuer", je crois qu'elle "tuerait" la société entière. Elles sont en tous cas une cause de pollution dans le monde. Il n'y a qu'à voir ces montagnes de déchets technologiques en Inde ou en Chine. La trop forte consommation de technologies (nouvelles ou pas) finira par nous nuire. Quant à l'avenir du livre, il sera ce que nous en ferons. C'est davantage un problème de culture générale. Quelle société voulons nous ? Le livre est un des composants de la société et il suivra son évolution.
· Qu’aimerais-tu écrire ? un sujet que tu n’as pas abordé et qui te taraude ? un genre ?
J'aimerais écrire mon prochain livre.
· Ecrire à 4 mains cela te tente-t-il ?
Pas du tout, je m'embrouille déjà avec mes deux miennes, alors à quatre...
· Quelle est la phrase qui te pose le plus de souci dans l’écriture ? L’incipit ?
La dernière, parce qu'elle ferme le lange du bébé texte et qu'une fuite est toujours possible à cet endroit-là.
· Quel style préfères-tu ? style indirect libre… « Je » ou « Il »…
Je n'ai pas vraiment de préférences. J'ai écrit au "Je" au "il/elle" au "tu". Le "style" s'accorde à la forme et au sujet, il me vient assez naturellement. Il faut que ça colle et je le vois assez vite. Comme les temps, d'ailleurs.
· Combien dure la phase avant l’écriture (recherches…) ? Et la phase d’écriture ? Combien écris-tu de livres par a ?
Écrire ne signifie pas forcément publier. En littérature "adulte" par exemple, j'écris trois textes pour un publié. En jeunesse (je touche du bois), tous les textes que j'ai présentés à des éditeurs ont été publiés. Ces deux dernières années, j'ai publié 9 livres, mais ce sont des années exceptionnelles. Je pense que 1 à 3 est la bonne moyenne. Mais, je n'exclue pas de rien publier une année, ce qui m'est arrivé en 2004 & 2005.
· Est-il facile de vivre de sa plume ? Exerces-tu un autre métier ?
Je vais décevoir beaucoup de rêveurs, je ne vis pas de ma plume. C'est un choix de vie, simplement. Comme je l'ai dit plus haut, c'est grâce à mon épouse, qui est enseignante, que je peux me permettre d'écrire. Nous n'avons qu'un salaire pour quatre à la maison. Nous avons fait le choix d'une vie simple à la campagne, mais riches en petits et grands bonheurs. Il y a très peu d'écrivains qui vivent uniquement de leur plume. Souvent, ils exercent une activité "nourricière".
· Qualités et défauts de l’homme ? qui rejaillissent sur l’écrivain ?
Joker !
· Quelque chose à ajouter ?
Un café et l'addition !
· Un sujet que tu aimerais aborder ?
Nous avons eu, cette année, beaucoup de prunes et de mirabelles au jardin. J'ai fait quantité de confitures. À la question "Comment sont tes confitures ?", j'aurais répondu : "Excellentes."