Bonjour Agnès ! Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Bonjour ! Avec plaisir.
Agnès Marot, auteure de romans jeunesse et jeunes adultes, dans les littératures de l’imaginaire. Je suis publiée depuis un peu plus d’un an, aux éditions du Chat Noir avec De l’autre côté du mur, un roman qui commence dans une communauté de femmes, toutes artistes, qui ignorent l’existence des hommes ; aux éditions Armada avec La Couleur de l’aube, un roman de fantasy qui emprunte beaucoup à l’onirisme et à la cruauté du conte ; et aux éditions Imaginemos avec Le Secret des Bois-Noirs, un club des cinq moderne où cinq cousins chassent un trésor dans la vieille demeure familiale pour sauver leur grand-mère.
Et quand je n’écris pas, je suis éditrice freelance, et directrice de collection aux éditions Scrineo !
On peut donc dire que le livre fait partie intégrante de mon quotidien…
L’auteur aujourd’hui
• Comment se situe l’auteur aujourd’hui par rapport à l’auteur des débuts ? Il y a-t-il une différence (style, pensée, méthode…) ?
Je suis encore une jeune auteure : ça fait seulement un an que je suis publiée, je n’ai donc pas beaucoup de recul. Pourtant, mes méthodes ont déjà évolué par rapport à mon premier roman : je planifie (un peu) plus ce que j’écris, je connais mieux mon rythme et j’apprends à adopter un style « complexe, mais pas compliqué » (pour paraphraser un éditeur de ma connaissance) qui convient aux jeunes lecteurs.
Quant à la pensée, elle est en perpétuelle évolution, bien sûr.
• Quelle est ta définition de l’auteur jeunesse ? En es-tu un ?
Un auteur jeunesse est, pour moi, un auteur qui s’adresse au jeune public (de l’album au roman de Young Adult). Cela n’empêche pas que ses romans puissent être lus par des adultes, il s’agit plutôt de l’âge des héros que de celui des lecteurs à mon sens.
Et, oui, j’en suis un ! Comme j’aime à le dire : « si j'écris de la jeunesse et du Young Adult, c'est parce que j'aime que mes héros découvrent ce qui les entoure. »
L’écriture :
• Pourquoi écris-tu ? Est-ce quelque chose de facile à expliquer ?
J’écris pour partager, et surtout parce que j’adore ça. J’écris tout simplement les histoires que j’aurais aimé lire, et j’y trouve le même plaisir que quand un roman m’embarque hors du monde – avec, en plus, le bonheur de partager cette sensation avec mes lecteurs.
J’écris parce que c’est aussi ma façon de participer au monde et d’y apporter un peu de rêve et d’espoir, même à ma toute petite échelle.
• C’est quoi être écrivain ? Ecrire c’est quoi ?
Être écrivain, selon moi, c’est tout simplement écrire, que ce soit pour soi, pour les autres, régulièrement ou de temps en temps.
Et écrire… Ecrire, c’est raconter une histoire, jouer avec les mots pour trouver la bonne formule, celle qui fera passer l’émotion ou la pensée qu’on a envie de partager. Cela dit, je pense qu’il y a autant de définitions de l’écriture que de gens qui écrivent !
• Que penses-tu des écoles américaines dans lesquelles on peut apprendre à écrire ? En France, elles n’existent pas. Quel écrivain es-tu ?
Je me dis qu’elles doivent être précieuses pour rencontrer des gens du milieu du livre, trouver des « primo-lecteurs » (des lecteurs critiques qui nous aident à travailler nos textes pour les améliorer), et découvrir différentes techniques d’écriture. L’essentiel serait, il me semble, de ne pas chercher à formater l’étudiant mais de lui apprendre à trouver ses propres méthodes pour mettre son style et ses idées en valeur.
Personnellement, je ne suis pas un écrivain solitaire. J’ai travaillé ma plume et mes histoires sur le forum de CoCyclics, avec d’autres auteurs des littératures de l’imaginaire, pendant trois ans avant de me sentir prête à voler de mes propres ailes – et encore, je reste en contact quotidien avec les amies auteures que j’ai trouvées là-bas. Nous avons, à notre façon, appris à écrire et à publier ensemble.
• Arthur Ténor parle de lui comme étant un « explorateur de l’imaginaire. » As-tu une formule pour te caractériser ?
Pas vraiment, mais c’est une jolie formule qui lui correspond bien !
S’il y en avait une, elle tournerait autour des émotions, du rêve et de l’espoir.
• L’écriture a-t-elle toujours été en toi ou est-ce quelque chose qui est arrivé tardivement dans ta vie ? Il y a t-il eu un élément déclencheur ?
J’ai toujours écrit, comme j’ai toujours lu. Le seul élément déclencheur a été celui qui m’a décidée à travailler mes écrits sérieusement en vue de la publication : mon entrée en Master Edition, accompagnée de ma découverte du forum de CoCyclics.
• Pour qui écris-tu ? A moins que ce ne soit pour un public ? Pour être lu ?
J’écris pour ceux qui ont envie de partager les mêmes rêves que moi, tout simplement, quels que soient leur âge ou leurs goûts.
• Le public/l’éditeur t’ont-ils influencé à un moment donné ?
Souvent, même. C’est un éditeur qui m’a poussée à écrire pour les 10 ans et +, par exemple, car je n’aurais pas osé m’y lancer faute de connaître ce public assez bien pour m’adresser à lui. Mes lecteurs m’ont aussi incitée à écrire une préquelle à De l’autre côté du mur, parce qu’ils avaient envie d’en savoir plus sur les origines de la société qui y est dépeinte.
Je m’empare très souvent de leurs idées ou de leurs envies pour me les approprier et y mettre la part de moi qui résonne à ce qu’ils ont partagé avec moi.
• Cette fameuse imagination, d’où vient-elle ? De quoi t’inspires-tu ?
Du quotidien. De ce que je vois, ce que je lis, ce que j’entends ; de mes coups de gueule et de mes coups de cœur, des choses qui m’amusent, qui m’émeuvent… Je pioche dans des milliers de détails de la vie de tous les jours pour former des histoires imaginaires – car l’imaginaire reste pour moi une manière de parler des hommes et du monde qui nous entoure.
• Comment procèdes-tu pour écrire ? Un plan ? des carnets ?
Je laisse l’histoire mûrir pendant des mois sans en écrire un mot, puis j’élabore un synospsis vague (qui comporte les lignes directrices du roman : début, fin, péripéties essentielles et évolution du personnage principal), et je me lance. J’écris vite, de façon intense, puis je fais des pauses plus ou moins longues pour laisser les idées mûrir avant de me replonger dans un autre projet.
• A quel moment de la journée écris-tu ? Avec quoi ? Une heure précise ?
As-tu besoin d’isolement ?
A peu près dès que j’en ai l’occasion quand je suis dans une période d’écriture ou de correction. Peu importe l’heure, le support, le bruit autour… Si je peux écrire, j’écris !
Pour les longues séances de travail, c’est sur mon fauteuil préféré, avec mon chat qui ronronne sur mes genoux et une bonne tasse de thé, et sur mon ordinateur portable.
• Qui te lit en 1er ? Un proche ? Pourquoi ?
Mes amies auteures : Cindy Van Wilder, Nadia Coste et Silène Edgar en général, parfois d’autres. Parce qu’elles n’ont pas leur pareil pour me botter les fesses quand j’ai des corrections à faire, qu’elles connaissent ma plume et mes idées et savent comment m’aider à les mettre en valeur, et qu’elles sont aussi les meilleures supportrices pendant les coups de blues !
• Qu’aimerais-tu écrire ? Un sujet que tu n’as pas abordé et qui te taraude ?
Pas pour le moment : j’explore les idées qui m’interpellent au fur et à mesure que j’écris de nouveaux projets. Celui que j’ai envie de développer, en particulier en ce moment, c’est l’univers de la télé-réalité et du monde virtuel.
• Ecrire à 4 mains cela te tente-t-il ?
Pourquoi pas, mais il faudrait que ce soit avec une de mes amies mentionnées plus haut, puisqu’on se connaît très bien humainement comme d’un point de vue littéraire. Ce n’est pas prévu pour le moment !
• Est-il facile de vivre de sa plume ? Exerces-tu un autre métier ?
Non, c’est très difficile, il faut vendre beaucoup, publier des ouvrages régulièrement et faire des interventions rémunérées. De mon côté, j’ai un autre métier (qui reste dans le milieu du livre), et cela me convient très bien : j’ai besoin de vivre d’autre choses pour trouver le terreau de mes romans, je ne me vois pas passer tout mon temps à écrire.
• Qualités et défauts de la Femme ? qui rejaillissent sur l’écrivain ?
Pas facile comme question ! Peut-être ma rigueur qui me permet d’écrire d’atteindre les objectifs que je me fixe en cours d’écriture (tant de mots par jour, arriver à telle scène avant de déjeuner, …). Et mon côté passionné qui m’empêche d’avoir un rythme d’écriture régulier : quand j’écris un roman, je lui donne tout, j’y pense tout le temps au détriment de ma vie quotidienne, et du coup j’ai besoin de longues pauses pour me ressourcer entre deux projets.
* Quels conseils donnerais-tu à un auteur débutant ?
De terminer ce qu’il a commencé, coûte que coûte. On doute toujours quand on écrit, on a envie de reprendre le début, de corriger avant d’avancer… Si on n’arrive pas à terminer un projet de cette façon, mieux vaut se forcer à aller jusqu’au bout quand même et noter les choses à corriger pour les relectures qui suivront le premier jet !
Ton genre préféré :
Qu'est-ce qui amené à écrire le genres d'histoires qui sont les tiennes ?
Ce sont tout simplement celles que je lis le plus et celles qui me parlent : les littératures de l’imaginaire permettent de parler de choses graves comme de choses légères, tout en instillant rêve et espoir au lecteur grâce à un univers malléable à l’envi.
Est-ce que les Mondes imaginaires sont plus compliqués à écrire que d'autres romans aux genres différents ?
Je ne crois pas : toute histoire a ses difficultés. Pour ma part, j’aurais par exemple bien du mal à écrire un polar (il faut être tellement rigoureux sur le moindre détail de l’intrigue !).
Tes personnages :
• Comment crées-tu tes personnages ?
Progressivement, en leur ajoutant petit à petit des traits de caractère qui deviennent essentiels. Je me concentre surtout autour de leur évolution, puisque c’est elle qui guidera mon histoire : comment vont-ils dépasser leurs défauts qui les paralysent pour en faire une force et devenir des héros ? Qu’est-ce qui est important pour eux ?
Je pense à eux comme à des personnes réelles, avec leurs rêves, leurs craintes, leurs déceptions et leurs épreuves passées.
• Est-ce que ce sont tes personnages qui te mènent ? Par exemple, peuvent-ils te faire changer de voie en cours d’écriture ?
Un peu des deux. Il m’arrive d’être surprise de la tournure que peuvent prendre certains dialogues et de devoir adapter les relations des personnages en conséquence, mais c’est tout de même moi qui choisis les situations dans lesquelles je vais les plonger.
• Qu’aimes-tu le plus dans la création du personnage ? L’aspect psychologique ?
Oui, et la relation qu’il a avec les autres. Les personnages sont très importants pour moi, ce sont eux qui mènent tout le reste dans mes romans. C’est à travers leur regard et leurs questionnements que je peux faire ressentir de l’émotion à mes lecteurs, que je peux leur faire regarder le monde autrement.
• Quel est le personnage que tu as crée et qui t’a posé le plus de souci ? Pourquoi ?
Ealeth, le héros de La Couleur de l’aube. Il était trop parfait au départ, puis trop colérique, puis trop doux… j’ai eu du mal à dépeindre les nuances qu’il avait dans mon esprit. Pourquoi lui et pas un autre ? Aucune idée !
• Quel personnage de papier que tu as inventé aimes-tu le plus ?
J’ai un petit faible pour Aylin, la meilleure amie de Sibel dans De l’autre côté du mur.
Les lieux :
• Comment t’inspires-tu pour créer un lieu ? Une atmosphère ?
Je vois les scènes très distinctement dans mon esprit, j’imagine mes personnages et ce qu’ils ressentiraient dans ce contexte, je me mets à leur place et je décris l’atmosphère à travers leurs ressentis. Parfois, je m’inspire d’images ou de lieux que je connais, mais c’est assez rare.
• Te rends-tu sur place ? Visites-tu beaucoup ?
Non, très peu, principalement parce que j’en invente la grande majorité.
• Est-il plus facile de partir de rien ou de ce que l’on connaît ?
Je fais l’un ou l’autre selon ce dont j’ai besoin, je ne trouve pas qu’il y en ait un des deux qui soit plus facile.
Le style, la phrase, le mot…
• Quelle est la phrase qui te pose le plus de souci dans l’écriture ? L’incipit ?
Sans conteste : le premier chapitre dans son ensemble. Qu’il est difficile de commencer une histoire de façon dynamique, tout en présentant les lieux, les personnages et les enjeux du roman !
Pour tout avouer, j’ai une forte tendance à supprimer mon premier chapitre une fois le premier jet achevé, pour distiller les informations dans les chapitres suivants.
• Quel style préfères-tu ? style indirect libre… « je » ou « il »…
Le « je » et le présent, pour une immersion immédiate dans la peau du personnage principal. Au mieux, je fais parfois une focalisation interne au présent (la 3epersonne du singulier mais qui suit un seul personnage, permet de connaître ses pensées mais pas celles des personnages qui l’entourent).
• As-tu la plume facile ? Ou est-ce laborieux ? Te faut-il raturer beaucoup ?
J’ai la chance d’avoir la plume facile : quand je corrige, c’est surtout pour le fond du roman (ce qui peut m’amener à réécrire beaucoup), mais l’écriture elle-même me vient facilement et nécessite peu de retravail derrière.
• Combien dure la phase avant l’écriture (recherches…) ? Et la phase d’écriture ? Combien écris-tu de livres par an ?
C’est très variable ! En général, le temps « avant » l’écriture est assez long mais pas mesurable : l’histoire se construit dans ma tête sans que j’écrive quoi que ce soit sur le papier. Le temps d’écriture, lui, dure en moyenne deux à trois mois, selon la taille du roman.
J’écris deux ou trois romans par an, là aussi en fonction de leur taille !
• Quelle phase préfères-tu ? La recherche des idées ? l’écriture ?
L’écriture et la correction, même si j’aime toutes les phases. Parce que j’adore voir l’histoire se sculpter sous mes yeux, découvrir des connexions auxquelles je n’avais pas pensé et glisser des clins d’œil juste pour le plaisir ! Je rentre dans un état second, comme quand on est pris dans un bon livre et qu’on oublie tout ce qu’il y a entoure ; mais doublé de la satisfaction de créer quelque chose qu’on pourra partager.
• Quelle place a le mot dans tes romans ? Le vocabulaire est-il très important pour toi ?
Très important : j’aime trouver le mot juste, laisser les nuances s’insinuer dans les phrases selon qu’on choisit un terme ou un autre.
• Fais-tu attention à la longueur de tes phrases ? Pierre Bottero faisait des phrases courtes ; parfois, il ne les finissait pas pour laisser le soin au lecteur d’imaginer, de rêver et donc de les terminer lui-même.
J’y fais très attention, parce que le style est avant tout une question de rythme et de mélodie à mes yeux. Il peut être dissonant dans des passages particulièrement durs (phrases courtes, mots uniques, sonorités grinçantes) ou au contraire très poétique dans des passages qui se prêtent au rêve (alternance des phrases courtes et longues, grande attention à la sonorité des mots et à la mélodie générale de la phrase, etc.).
• Qu’est-ce qui fait que pour toi, une phrase est bonne ?
Quand le rythme et le sens s’accordent parfaitement, tout en nuances.
• Utilises-tu beaucoup de documentation ?
Non, assez peu, j’essaie de faire en sorte de ne pas en avoir besoin.
La littérature :
• Agnès, qu’est-ce ce que la littérature jeunesse ? Une littérature à part entière ?
C’est de la littérature au même titre que toutes les autres littératures, la seule différence étant l’âge des héros. On aborde également des thèmes qui vont parler aux jeunes (la question de l’identité et du rapport à l’autorité pour les adolescents, par exemple), en plus de tous les autres thèmes. Pour moi, on peut y parler de tout, mais pas n’importe comment.
Pour plus de détails : http://lesmotsdaelys.blogspot.fr/2014/10/pourquoi-tu-ecris-pour-la-jeunesse-et.html
• Faut-il lire les classiques ? Pourquoi ?
Les classiques apportent toute une histoire à notre culture et une richesse incroyable, pourtant à mon avis il ne « faut » les lire que si on en a envie. Il n’y a pas de meilleur moyen de détester un roman que de le lire à contrecoeur, ou sans le comprendre. Pourtant, il y a de vraies pépites parmi ces romans ! Mon avis, donc : s’intéresser aux classiques, oui, mais pas pour la prescription : le mieux est de chercher parmi eux ceux qui pourraient nous plaire, et les lire parce qu’ils nous font envie.
L’avenir du livre ?
• As-tu un avis dessus ? Les nouvelles technologies vont-elles le tuer ?
Oulah, non ! Au contraire, elles permettent d’y revenir, de le rendre plus accessible, de proposer des dizaines de formats qui n’existaient pas avant et qui conviendront mieux aux nouveaux lecteurs. On dit que les jeunes lisent peu, mais ils n’ont jamais lu autant : la différence tient plus dans les pratiques (lectures fragmentées, sur des formats divers).
Le tout est de nous adapter à ces évolutions, et d’éviter le snobisme pour les nouveaux types de lectures qui ne fera que repousser les futurs lecteurs.
Le fruit de ton imagination :
• Comment définis-tu tes écrits ? qu’est-ce qui te guide ? te pousse ? te fait avancer ?
Comme je le disais : le rêve, l’espoir, l’émotion. J’ai envie de faire réfléchir tout en faisant plaisir.
• Quel est le livre que tu as écrit pour lequel tu gardes une affection particulière ?
Tous, en fait. Mais si je dois en choisir un, ce sera Le Secret des Bois-Noirs, parce que j’ai une histoire personnelle très particulière autour de ce roman, de son écriture et de son édition.
(Plus de détails : http://lesmotsdaelys.blogspot.fr/2014/07/cest-presque-une-tradition-apres-avoir.html)
• Pourquoi vas-tu dans les salons du livre ? Cela n’est-il pas trop ennuyeux ?
Parce que j’adore ça ! Et, non, ce n’est pas ennuyeux. Cela permet à la fois de rencontrer d’autres auteurs, dé découvrir leurs plumes, leurs façon de travailler et leurs univers, et de découvrir qui sont nos lecteurs, de voir ce qui leur plaît ou ne leur plaît pas, d’échanger sur nos romans et sur la littérature en général. C’est toujours passionnant !
• Ecrire, c’est s’exposer aux regards des autres ? Est-ce compliqué ?
Oui, parfois, surtout vis-à-vis des gens qui nous connaissent dans la vie de tous les jours. Ils découvrent une facette de nous qui était secrète jusque-là, et en parler avec eux est parfois très étrange. Je mets beaucoup de moi dans mes romans, je suis chacun des personnages et toutes les idées développées me tiennent évidemment à cœur. Alors, c’est sûr, il faut assumer qui on est.
• Quel est le plus beau compliment reçu ?
Il est venu en salon, sous la forme d’un de mes romans (De l’autre côté du mur) serré contre le cœur d’une lectrice. Il était tout abîmé, écorné, avec des taches de thé dessus et des pages ternies d’avoir été tournées et retournées. La lectrice m’a avoué du bout des lèvres l’avoir lu un nombre incalculable de fois tant il l’avait touchée et aidée dans son quotidien, et ses yeux se sont remplis de larmes quand je le lui ai dédicacé.
Les miens aussi.
• La réflexion la plus dure ?
Je ne sais pas. Il y en a eu, bien sûr, mais je ne suis pas particulièrement touchée par les retours négatifs, car je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer mes romans, tout comme je n’aime pas forcément ceux des autres.
Si, peut-être la fois où on m’a accusé de défendre quelque chose que je cherchais justement à dénoncer dans le roman… c’est frustrant de se dire qu’on a échoué à le montrer !
L’écriture engagée :
• Peut-on tout écrire quand on sait qu’on est lu par des ados ? Evoquer les affres de notre société n’est-il pas périlleux pour le moral de notre jeunesse ?
Comme je le disais, on peut tout écrire, mais pas n’importe comment, et pour moi l’espoir doit rester le moteur de toutes ces réflexions : ce sont les romans qui peuvent nous donner envie de nous battre pour ce en quoi on croit, nous aussi, particulièrement pour les adolescents qui sont à un âge où on se pose beaucoup de questions sur la société dans laquelle on vit.
J’aime à la dire : mes armes, à moi, ce sont mes mots.
• Est-il facile d’être engagé et publié ? L’écriture engagée intéresse-t-elle aujourd’hui ?
Je ne me définis pas particulièrement comme une auteure engagée, j’aurais donc bien du mal à répondre à cette question… mais je pense qu’elle a son public, oui !
(Lisez le merveilleux Fortune Cookies de Silène Edgar chez Bragelonne si vous en doutez.)
• Comment l’auteur que tu es peut-il garder son indépendance, ses idéaux tout en continuant d’exister sur le marché ?
Ce sont ces idéaux qui me guident ; ils resteront toujours au cœur de mes écrits. Et je pense que c’est parce que j’y crois vraiment que les éditeurs, et le public après eux, y croient aussi.
Les éditeurs, l’édition :
* Tu es éditrice, pourquoi ?
Pour la même raison que j’écris : parce que j’aime partager des bonnes histoires, et que cela ne se restreint pas aux miennes. Et parce que j’aime participer à leur élaboration !
* Comment travailles-tu ?
De chez moi la plupart du temps, sur un fichier word que j’annote pour l’auteur ou le traducteur ; puis en collaboration avec eux pour améliorer le texte autant que possible.
* Te sens-tu libre comme écrivain ? As-tu eu à souffrir de la censure ? T’interdis-tu des choses dans l’écriture ? L’éditeur te « dirige »-t-il beaucoup ?
Je me sens très libre, oui : je n’accepte des contraintes que si je suis capable de me les approprier, et je ne corrige jamais sans être d’accord avec mon éditeur. Il n’est pas là pour me restreindre, il est là pour m’aider !
* Les éditeurs mènent des études pour connaître les goûts des lecteurs (en matière d’histoires, de personnages,…)… Comment fais-tu pour résister aux modes et toujours être un auteur apprécié ?
Je n’ai pas l’impression de résister à quoi que ce soit : j’écris ce que j’ai envie d’écrire et de lire, parfois c’est à la mode et parfois pas. Je pars du principe que je ne suis pas la seule dans mon cas : si quelque chose me parle, il parlera sans doute à d’autres !
* Est-ce que lecture et écriture vont de pair ? Faut-il aimer lire pour écrire ?
Je pense que oui, ne serait-ce que pour comprendre comment une histoire peut fonctionner (ou pas), quelles peuvent être les immenses richesses de la littérature. Lire d’autres auteurs nous pousse à explorer des univers et des questions auxquels on n’aurait pas pensé autrement, sans compter que c’est une source d’inspiration infinie !
• Pour toi, lire c’est quoi ?
C’est vivre plus de vies que je ne pourrais jamais en vivre autrement.
• Quels sont tes auteurs préférés ? tes lectures préférées ?
C’est très variable selon les périodes. Francis Berthelot reste une constante depuis que j’ai découvert sa plume, j’aime beaucoup également ce qu’écrivent Silène Edgar, Cindy Van Wilder et Nadia Coste, mes amies et auteures. Estelle Faye s’y fait également une bonne place depuis quelques mois.
En plus ancien ou plus lointain, il y a bien sûr Barjavel, Camus, Murakami, Suzanne Collins, Marguerite Yourcenar, Prévert, …
Je suis à vrai dire incapable de faire une liste précise !
• Les livres jeunesse qui t’ont marquée chez les autres ?
Outre les auteurs déjà cités : Coda d’Emma Trevayne, L’Accident d’Agnès Aziza, Le Parloir d’Eric Sanvoisin… Là aussi, difficile de faire une liste, il y en a trop !
Ta bibliothèque,
* quelle est-elle ? Comment sont ces livres, Beaux livres, poches… genres ? Où sont-ils rangés ? Comment sont-ils classés ?
Comment les achètes-tu ?
Elle déborde ! Il y a surtout des romans de l’imaginaire, quelques étages de classiques aussi, une étagère rien que pour les romans des copines, une autre pour le boulot.
Ils sont classés par collections (c’est joli !) et, depuis peu, en lu/pas lu (grossière erreur : j’ai trois étagères de livres à lire et je culpabilise chaque fois que j’en achète un nouveau maintenant).
Je les achète surtout sur conseil des copines qui ont les mêmes goûts que moi, et en salon du livre, vu que j’en fais beaucoup et que résister à acheter le livre d’un auteur avec qui on a bien discuté est très difficile !
Il y a aussi plein de bibelots sur ma bibliothèque : j’aime bien la sentir vivante, comme autant de souvenirs de vies que j’ai vécues pendant quelques heures.
• Quel est le livre sur table de chevet ?
La Voie des Oracles d’Estelle Faye (plus pour longtemps, je l’ai presque fini !), un excellent roman d’aventure qui propose la quête initiatique d’une des dernières oracles pendant le déclin de l’Empire Romain, en Gaule. Une vraie réussite que je vous conseille !
• Quels sont les auteurs qui t’ont influencée ? Pourquoi ? Que leur as-tu emprunté ?
Francis Berthelot, pour sa plume à la fois poétique et fluide, ses romans où tout fait sens, jusque dans la structure même des chapitres.
Silène, pour sa façon de parler du cœur en toute simplicité.
Suzanne Collins et son Hunger Games qui m’a tellement émue et m’a fait tellement réfléchir à la fois.
Et tant d’autres !
• Si tu avais un auteur à qui écrire, lequel serait-ce ? Et que lui écrirais-tu ?
Sans doute Suzanne Collins, puisque j’ai eu la chance de parler aux deux autres que je viens de citer. Je lui écrirais tout ce que ses romans m’ont apporté, à quel point ils font écho à la femme et à l’auteure que je suis, avec leurs qualités et leurs défauts.