Alors, Christophe, pourquoi écris-tu ? Est-ce quelque chose de facile à expliquer ?
Quand on me pose cette question, je réponds que je peux m'arrêter de respirer
mais pas d'écrire. J'ai toujours écrit, même quand j'étais gamin et je ne me
suis jamais arrêté. C'est plus fort que moi. Je dois écrire.
C’est quoi être écrivain ? Ecrire c’est quoi ?
C'est l'envie de partager son imaginaire avec d'autres et rester stupéfait que
ses récits trouvent un écho chez les autres. C'est aussi avoir l'esprit ouvert
au monde extérieur, et repérer, entendre, voir des choses insignifiantes pour la
plupart des personnes mais qui sous ta plume donnent naissance à un récit.
Ecrire, c'est... une thérapie ??
Que penses-tu des écoles américaines dans lesquelles on peut
apprendre à écrire ?
En France, elles n’existent pas.
Quel écrivain es-tu ?
J'aurais trouvé formidable d'aller dans une telle école. Je me suis "fabriqué"
seul et il m'a fallu 10 longues années avant qu'un 1er texte trouve preneur.
J'ai travaillé seul mon écriture, mon style et j'aurais certainement gagné du
temps si on m'avait appris le B.A BA de l'écriture.
Arthur Ténor parle de lui comme étant un « explorateur de
l’imaginaire. As-tu une formule pour te caractériser ?
Une autre formule que j'aime bien: écrire, c'est mentir vrai. Je suis donc un
menteur.
L’écriture a-t-elle toujours été en toi ou est-ce quelque
chose qui est arrivé tardivement dans ta vie ? Il y a t-il eu un élément
déclencheur ?
J'ai toujours écrit. Quand j'avais 10-11 ans, je participais à des concours
d'écriture, pour être publié.
Pour qui écris-tu ? A moins que ce ne soit pour un public ? Pour
être lu ?
Forcément pour être lu. Sinon, j'aurais gardé mes histoires pour ma famille.
D'ailleurs, pendant les 10 ans de "désertitude", je n'ai jamais cherché à me
faire éditer à compte d'auteur. Si mes textes étaient intéressants, alors un
éditeur les remarquerait, un jour.
Le public, l’éditeur t’ont-ils influencé à un moment donné ?
Non, pas du tout. J'ai écrit les livres que j'avais envie d'écrire. Et par
chance, mes thèmes ont rencontré un public. Je crois que si on aime quelque
chose, on le fait partager et ça fonctionne.
Cette fameuse imagination, d’où vient-elle ? De quoi
t’inspires-tu ?
Elle vient de tout ce qui m'entoure: une phrase, un paysage, une photo, un mot,
une situation. Tout est prétexte à démarrer un nouveau récit.
Comment procèdes-tu pour écrire ? Un plan ? des carnets ?
J'ai une pochette par histoire en cours. J'y glisse les idées, les phrases, les
personnages qui veulent bien faire partie de ces récits. Je fais un découpage
par chapitre avec un petit résumé de ce que je vais y mettre et surtout,
surtout, j'ai besoin de connaitre la fin pour écrire.
A quel moment de la journée écris-tu ? Avec quoi ? Une heure
précise ? As-tu besoin d’isolement ?
Je n'ai pas spécialement de rite pour me mettre à écrire. Mais les idées
viennent beaucoup plus facilement quand je suis en vacances et ailleurs que chez
moi. Le dépaysement semble avoir une très bonne influence sur moi!
Et je peux écrire avec du monde autour. De toute façon, quand j'écris, je
n'entends rien.
Qui te lis en 1er ? Un proche ? Pourquoi ?
Ma femme! Elle n'hésite pas à me dire ce qui ne lui plait pas. Et les rares fois
où je n'ai pas suivi ses conseils, l'éditeur me faisait les mêmes commentaires!
Qu’aimerais-tu écrire ? un sujet que tu n’as pas abordé et
qui te taraude ? un genre ?
J'aimerais écrire pour une nouvelle tranche d'âge qui est celle des adolescents.
D'ailleurs, j'ai ouvert une nouvelle pochette et j'établis le casting de mes
personnages et de différentes situations. Pour moi c'est un vrai challenge,
parce que mes histoires concernent plutôt les 6/10 ans.
Ecrire à 4 mains cela te tente-t-il ?
Pourquoi pas, mais j'ai un complexe d'infériorité: je pense ne pas avoir assez
de talent pour que des auteurs que j'admire en aient envie.
Bon et puis évidemment, il faut un sujet qui s'y prête.
Est-il facile de vivre de sa plume ? Exerces-tu un autre métier ?
La question qui fait pleurer! Non, je ne peux pas en vivre. Il faudrait que
j'écrive davantage ou que mes livres connaissent un plus grand succès, mais
actuellement, ce n'est pas le cas. C'est pourquoi je suis instituteur. Et plus
précisément enseignant spécialisé (maître E pour les intimes). Je ne travaille
qu'avec des élèves en difficulté scolaire. Et comme ce travail prend beaucoup de temps, je n'en ai plus pour écrire. Ce qui
explique que j'écrive surtout pendant les vacances.
Qualités et défauts de l’Homme ? qui rejaillissent sur
l’écrivain ?
La paresse! Je me laisse facilement tenter par un feuilleton débile ou encore un
bon livre. (Oui parce que le mauvais je le referme).
Du coup, quand je dois - je veux écrire, je débranche la télé et je n'achète
aucun livre. Une qualité: de l'humour, qui je crois, se retrouve dans mes livres.
L’auteur aujourd’hui
Comment se situe l’auteur aujourd’hui par rapport à l’auteur des débuts ? Il y a-t-il une différence (style, pensée, méthode…)
L'auteur aujourd'hui a plus de recul sur son travail. Je sais construire un
récit qui se tienne, j'ai une idée assez précise de mon style et je sais aussi
comment je fonctionne quand j'écris.
Quelle est ta définition de l’auteur jeunesse ? En es-tu un ?
Un peu basique, ma définition: un auteur dont les textes sont faits pour être
lus par des enfants (ou adolescents)Le choix des thèmes, le vocabulaire est
spécifiquement adapté à l'âge des lecteurs. N'ayant jamais publié pour adultes,
je me considère donc comme un auteur jeunesse.
Tes personnages
Comment crées-tu tes personnages ?
Pas vraiment de démarche. Souvent un caractère d'élève qui me semble avoir un
intérêt pour un personnage.
Est-ce que ce sont tes personnages qui te mènent ? Par exemple,
peuvent-ils te faire changer de voie en cours d’écriture ?
Comme je connais la fin de mes récits, ils peuvent, à l'intérieur du livre,
vivre leur vie. Il faut que leurs actes soient cohérents avec leur personnalité.
Alors parfois, oui, ils m'échappent un peu.
Qu’aimes-tu le plus dans la création du personnage ? L’aspect
psychologique ?
En fait, le format et les thèmes de mes livres ne se sont pas trop au développement
psychologique de mes personnages. C'est plus à travers leurs actes qu'on peut en
déduite les traits de leur personnalité.
Quel est le personnage que tu as crée et qui ta posé le plus
de souci. Pourquoi ?
Là, je sèche. Je n'ai pas l'impression d'avoir eu d réelle difficulté de ce côté
là. Si mon personnage n'a pas de consistance, je ne lui écris pas d'histoire.
Quel personnage de papier que tu as inventé aimes-tu le plus ?
Ca c'est une question difficile. J'ai envie de répondre "Anaïs" qui est un
garçon manqué, dans "Vacances surprise". Christophe Besse, l'illustrateur, lui a
donné tellement d'énergie, qu'elle est devenue familière.
Les lieux
Comment t’inspires-tu pour créer un lieu ? Une atmosphère ?
Oui, c'est ça, une atmosphère. Quand il m'arrive de partir à l'étranger,
j'essaie de capter l'atmosphère du lieu et je me demande comment je traduirais
ça si j'avais à l'écrire.
Te rends-tu sur place ? Visites-tu beaucoup ?
Oui mais pas dans le but d'enrichir un récit. je fais l'inverse. Je vais quelque
part et si l'endroit me touche, je l'utilise.
Est-il facile de partir de rien ou de ce que ce qu’on connaît ?
Pour moi de ce que je connais. Mais en même temps, ça dépend de ce que tu
écris. Si ton roman est vraiment ancré dans la réalité, c'est mieux si tu
décris correctement l'environnement du paysage. Si tu es dans l'imaginaire le
plus total, alors là...
Le style, la phrase, le mot :
Quelle est la phrase qui te pose le plus de souci dans
l’écriture ? L’incipit ?
Oui, l'incipit, souvent. C'est vraiment ce qui va donner le ton à ton livre et
je recommence souvent le début de mes histoires. Encore tout récemment, pour un
texte destiné à la presse, je butais à peu près à la moitié de l'histoire.
J'avais beau me creuser la tête, impossible de dépasser ce passage.
Jusqu'à ce que je reprenne complètement le début (le fond et la forme) et
l'histoire s'est écrite facilement.
Quel style préfères-tu ? style indirect libre, « je » ou « il » ?
Le travail pour la presse m'a beaucoup habitué au "je".
As-tu la plume facile ? Est-ce laborieux ? Te faut-il raturer
beaucoup ?
C'est laborieux, difficile. Je fais 40 brouillons avant d'être à peu près
satisfait. Je dois d'abord écrire à la main avant de taper mon texte à l'ordi.
Comment définirais-tu ton style ?
Des phrases courtes, de l'humour, parfois un peu de poésie (disons quelques mots
qui riment), un vocabulaire assez simple, des comparaisons amusantes pour que le
lecteur adhère à mon propos.
Combien dure la phase avant l’écriture (recherches) ? Et la
phase d’écriture ? Combien écris-tu de livres par an ?
Tout ça est très variable. La phase de recherche varie de quelques semaines à
plusieurs années. La phase d'écriture: selon le temps dont je dispose et
l'épaisseur du livre: quelques semaines à de nombreux mois; Voire plus si pas
d'affinités.Je suis satisfait quand j'ai 4 parutions par an, en presse ou en édition. Je
n'ai pas le temps d'écrire plus et encore moins depuis que je me suis mis à
créer des jeux de société à usage pédagogique.
Quelle phase préfères-tu ? La recherche des idées ? l’écriture ?
L'écriture, parce que c'est le moment où tout ce que tu as imaginé prend forme.
Quel place a le mot dans tes romans ? Le vocabulaire est-il très
important pour toi ?
Le vocabulaire est très important parce que c'est une des raisons pour
lesquelles mes textes n'étaient jamais retenus. En tant que lecteur et instit,
j'avais une idée assez précise du vocabulaire à mettre et sans m'en rendre
compte, j'utilisais des expressions passées de mode ou "cliché". (Opiner du chef
...). J'ai donc fait le ménage et dépoussiéré tout ça!
Fais-tu attention à la longueur de tes phrases ? Pierre Bottero
faisait des phrases courtes ; parfois, il ne les finissait pas pour laisser
le soin au lecteur d’imaginer, de rêver et donc de les terminer lui-même.
Oui, des phrases courtes à chaque fois! Parfois sans verbe pour les rendre
percutantes.