• Marc, comment se situe l’auteur aujourd’hui par rapport à l’auteur des débuts ? Il y a-t-il une différence (style, pensée, méthode…) |
Disons qu'au départ, je cherchais à être connu. Aujourd'hui, je souhaite qu'on connaisse surtout et avant tout mes histoires.
• Pourquoi écris-tu ? Est-ce quelque chose de facile à expliquer ? |
C'est ma façon de communiquer avec les autres et de trouver ma petite place dans ce monde.
• C’est quoi être écrivain ? |
C'est se mettre au service des lecteurs.
• Pour toi, écrire c’est quoi ? |
C'est aimer raconter aux autres (et non pas se raconter à soi-même !).
• Arthur Ténor parle de lui comme étant un « explorateur de l’imaginaire » et toi ? Quel écrivain es-tu ? |
C'est plutôt ainsi que je qualifierais le lecteur. C'est lui qui fait ce boulot très créatif et personnel. Il lit les mots et s'imagine des bruits, des couleurs, des odeurs, des émotions...
L'écriture est une invitation à faire travailler l'imaginaire du lecteur.
• La littérature c’est quoi ? Cela sous entend que tout ne serait pas littérature… |
Un ensemble d'histoires. Rien de plus. Leur appartenance à la "Littérature" n'est qu'une affaire de goût et de norme.
• Qu’est-ce ce que la littérature jeunesse ? Une littérature à part entière ? |
Oui car elle met généralement en scène des personnages qui ont l'âge des lecteurs. L'identification est donc grande.
C'est aussi des livres "pour les jeunes" qui sont écrits "par des (plus) vieux". C'est donc un lien intéressant entre les générations.
• Qu’est-ce qu’un auteur jeunesse ? |
Un explorateur de la narration (Zut ! Ça sonne moins bien que la formule d'Arthur !).
• L’écriture a-t-elle toujours été en toi ou est-ce quelque chose qui est arrivé tardivement dans ta vie ? Elément déclencheur ? |
Vers 26 ans. J'ai toujours eu l'envie de "raconter", par la photo, le dessin, la musique... L'écriture est venue plus tard car j'avais beaucoup de difficulté en français et j'en étais très complexé.
Je m'interdisais donc d'écrire.
• Ecris-tu pour toi ? pour un public ? Le public/l’éditeur t’a t-il influencé ? |
J'écris pour un lecteur "virtuel". Pour chaque livre, j'en imagine un. Cela me permet de sortir de mon rôle d'écrivain et de me mettre à la place de celui qui va recevoir l'histoire.
Cela me permet aussi d'adapter mon écriture aux capacités de lecture de ce "lecteur imaginaire".
• Comment définis-tu tes romans ? qu’est-ce qui te guides ? te pousses ? te fais avancer ? |
Partager. L'écriture, même si elle m'isole au moment d'écrire, est pour moi une façon d'aller vers les autres.
• Je vais me faire l’avocat du diable ! Volontairement. Peut-on tout écrire quand on sait qu’on est lu par des ados ? Evoquer le affres de notre société n’est-il pas périlleux pour le moral de notre jeunesse ? |
Non. On est responsable de "son" lecteur. Mais c'est à chacun de se fixer des limites, et d'être capable d'expliquer ses choix.
• Est-il facile d’être engagé et publié ? L’écriture engagée intéresse-t-elle encore ? |
Elle intéresse les lecteurs mais elle fait un peu peur aux éditeurs ! C'est le paradoxe qu'il faut contourner.
• Comment l’auteur que tu es peut-il garder son indépendance, ses idéaux tout en continuant d’exister sur le marché ? |
En faisant des compromis acceptables, en adaptant ces écrits aux contraintes du marché. Quand ce n'est pas possible, il faut se débrouiller autrement. C'est pour cette raison que j'ai créé les éditions Coyote Jeunesse il y a quelques années.
• Les éditeurs mènent des études pour connaître les goûts des lecteurs (en matière d’histoires, de personnages,…)… Comment fais-tu pour résister aux modes (dragons, magie…) et toujours être heureusement un auteur apprécié ? |
Les goûts des lecteurs sont des éléments incontournables. Il faut les prendre en compte. Quand on mange au restaurant, on nous demande ce qu'on aimerait manger... seulement, pour exprimer réellement un choix, et découvrir de nouveaux goûts, il faut que la carte soit variée.
Il ne faut donc pas que les modes empêchent la diversité.
Personnellement, j'ai l'impression de participer à cette diversité, tout en prenant en compte les goûts des lecteurs.
• Cette fameuse imagination, d’où vient-elle ? de quoi t’inspires-tu ? |
C'est peut-être une façon un peu bizarre de voir, et de vivre, la réalité.
• Qui te lis en 1er ? Un proche ? Pourquoi ? |
Ma femme, Isabel, qui travaille avec moi.
http://cantin.apinc.org/isabel_074.htm
Puis mes éditeurs.
• Comment crées-tu tes personnages ? |
Souvent en "déformant" des personnages réels.
• Comment procèdes-tu pour écrire ? Un plan ? des carnets ? |
Un ordinateur. Et un carnet pour les voyages.
• A quel moment de la journée écris-tu ? Avec quoi ? Une heure précise ? Isolement ? |
N'importe quand.
• Est-ce que ce sont tes personnages qui te mènent ? Par exemple, peuvent-ils te faire changer de voie en cours d’écriture ? |
Ils ont leur mot à dire.
• Est-ce que lecture et écriture vont de pair ? Faut-il aimer lire pour écrire ? |
Lire un peu, sans doute. Mais pas nécessairement beaucoup.
• Ta bibliothèque, quelle est-elle ? Comment sont ces livres, Beaux livres, poches… genres ? |
Petite.
• Où sont-ils rangés ? Comment sont-ils classés ? |
Le désordre complet y règne en maître.
• Comment les achètes-tu ? |
Chez mon libraire et sur Internet.
• Quel est le livre sur table de chevet ? |
En ce moment, je lis en espagnol car je repars en Colombie dans 15 jours. (Interview réalisée mi janvier2010).
• Pour toi, lire c’est quoi ? |
Une façon agréable de terminer la journée, avant de s'endormir.
• Te sens-tu libre comme écrivain ? As-tu eu à souffrir de la censure ? |
Non.
• T’interdis-tu des choses dans l’écriture ? L’éditeur te « dirige »-t-il beaucoup ? |
Non. L'éditeur est un accompagnateur au moment de l'écriture. Parfois un confident.
• Quels sont tes auteurs préférés ? tes lectures préférées ? |
J'adore Roald Dahl.
• Les livres jeunesse qui t’ont marqués chez les autres ? Un livre de chevet ? |
"Danny champion du monde"
• Quel est le livre que tu as écrit pour lequel tu gardes une affection particulière ? |
Tous !
• Faut-il lire les classiques ? Pourquoi ? |
Ils sont moins chers et même gratuits en ebook sur le net ! C'est un argument ça ?
• As-tu un avis sur l’avenir du livre ? Les nouvelles technologies vont-elles le tuer ? |
Non. Le livre changera certainement de forme, mais l'Homme aura toujours besoin qu'on lui raconte des histoires.
• Qu’aimerais-tu écrire ? un sujet que tu n’as pas abordé et qui te taraude ? un genre ? |
Je ne dévoile jamais ce genre de chose. Top secret.
• Ecrire à 4 mains cela te tente-t-il ? |
J'écris à "deux fois deux mains" avec Isabel. Et c'est très agréable.
• Quelle est la phrase qui te pose le plus de souci dans l’écriture ? L’incipit ? |
Aucune règle générale. Chaque livre est une nouvelle aventure, avec ses propres difficultés.
• Quel style préfères-tu ? style indirect libre… « Je » ou « Il »… |
J'ai une préférence pour le "Je".
• Combien dure la phase avant l’écriture (recherches…) ? ET la phase d’écriture ? Combien écris-tu de livres par a ? |
C'est très difficile à évaluer. Par exemple, j'écris en ce moment un roman qui est resté plus d'un an sous forme de plan. Mais je peux aussi écrire un roman en trois semaines.
• Est-il facile de vivre de sa plume ? Exerces-tu un autre métier ? |
Ça me semble faisable de s'y consacrer entièrement sans mourir de faim.
• Qualités et défauts de l‘homme ? qui rejaillissent sur l’écrivain ? |
L'égocentrisme. Il faut le combattre quotidiennement. !
• Fais-tu attention à la longueur de tes phrases ? Pierre Bottero faisait des phrases courtes ; parfois, il ne les finissait pas pour laisser le soin au lecteur d’imaginer, de rêver et donc de les terminer lui-même. |
C'est la meilleure des techniques, et la moins fatigante !
Plus sérieusement (j'aimais beaucoup les livres de Pierre, et je les aime toujours d'ailleurs), l'écriture est, selon moi, au service de l'histoire. Il n'y a donc pas de règle ferme et définitive en la matière.
• Qu’est-ce qui fait que pour toi, une phrase est bonne ? |
Si elle "parle" au lecteur.
• Comment s’opère la collaboration avec ton éditeur au niveau de la correction des textes ? Un auteur libre, cela existe-t-il ? |
Bien sûr. Mais un auteur libre n'est pas un auteur qui a la science infuse ! C'est important d'avoir un regard extérieur sur son histoire. L'éditeur est là pour nous y aider, pas pour nous censurer ou ��crire à notre place. Personnellement, je ne connais pas ces "bras de fer" entre auteur et éditeur. Je travaille avec mes éditeurs dans l'intérêt de l'histoire, et des lecteurs. C'est notre ligne directrice. Parfois nous sommes d'accord, parfois non. Alors, nous argumentons, et nous finissons par tomber d'accord.
Les éditeurs ne sont pas des monstres !!! Ils sont aussi passionnés que les auteurs par leur métier (en tout cas ceux que je connais).
• Si tu avais un auteur à qui écrire, lequel serait-ce ? Et que lui écrirais-tu ? |
A Quentin Blake pour le supplier d'illustrer une de mes histoires !
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Merci beaucoup, et au plaisir !