L’auteur aujourd’hui
· Comment se situe l’auteur aujourd’hui par rapport à l’auteur des débuts ? Il y a-t-il une différence (style, pensée, méthode…)
Il est évident que j'ai beaucoup, beaucoup progressé. Il faut dire que je partais de si bas...
Pour ce qui est du style, c'est à mes lecteurs de juger. Je pense cependant qu'il y a un livre charnière à ce niveau : "La Guerre d'Eliane". C'est en effet à partir de ce roman que j'ai épuré mon travail, insistant davantage sur la sugestion.
Pour la pensée : difficile de répondre.
Quant à la méthode, là, les changements sont considérables. Je travaillais très empiriquement au début. Aujourd'hui, si je me laisse toujours guider par mes émotions, véritable moteur de mon écriture, mon travail est toujours préparé à l'avance, je ne pars plus jamais en terrain inconnu.
· Quelle est ta définition de l’auteur jeunesse ? En es-tu un ?
Pour moi, est auteur jeunesse celui qui écrit des textes qui peuvent toucher un lectorat jeune. Maintenant, beaucoup de livres estampillés jeunesse sont lisibles par des adultes, je dirais même que les différents niveaux de lecture caractérisent un bon livre jeunesse. Dans un bon livre jeunesse : chacun trouve le plaisir dont il a besoin.
J'essaye d'en être un.
L’écriture :
· Pourquoi écris-tu ? Est-ce quelque chose de facile à expliquer ?
J'écris pour partager mes émotions avec mes lecteurs. J'écris aussi parce que j'aime raconter des histoires. J'écris encore pour défendre certaines idées que j'ai la prétention de croire humanistes. En effet, je ne crois pas aux livres innocents et, tant qu'à faire, autant essayer de défendre mes idées. Les jeunes étant les adultes de demain, je crois aussi qu'il vaut mieux semer de bonnes graines dans le terreau qu'ils sont afin de ne pas reproduire les erreurs du passé. Toutes ces raisons me poussent de plus en plus à écrire des livres à dimension historique. Sans doute y-a-t-il d'autres raisons plus obscures mais là, il me faudrait un divan.
· C’est quoi être écrivain ? Ecrire c’est quoi ?
Si c'est gagner sa vie grâce à l'écriture, j'en suis un. Si c'est partager ses émotions avec ses lecteurs, j'en suis parfois un. Si c'est savoir raconter des histoires, j'en suis peut-être un. Si c'est faire partie d'une élite bénie des dieux, je n'en suis pas un... et cela me réjouit.
· Que penses-tu des écoles américaines dans lesquelles on peut apprendre à écrire ? En France, elles n’existent pas. Quel écrivain es-tu ?
Je pense qu'on apprend à y écrire de jolis textes, mais l'émotion n'est pas toujours au rendez-vous, loin s'en faut. La preuve : peu de leurs élèves percent. Je suis certain que la meilleure école pour écrire, c'est lire, car on se nourrit d'abord du travail des autres, travail que l'on digère pour ensuite offrir le sien à ses lecteurs.
· Arthur Ténor parle de lui comme étant un « explorateur de l’imaginaire. » As-tu une formule pour te caractériser ?
Mettre son coeur sur la page. Cela dit, la définition d'Arthur me convient aussi très bien, même si je la trouve un peu restrictive.
· L’écriture a-t-elle toujours été en toi ou est-ce quelque chose qui est arrivé tardivement dans ta vie ? Il y a t-il eu un élément déclencheur ?
Les livres sont arrivés dans ma vie à 24 ans, alors que j'assistai à une rencontre de Christian Grenier avec une classe. Ce jour-là, Christian m'a ouvert les yeux sur la dimension humaine du livre et m'a montré que le livre n'appartenait pas à une élite dont je ne serais jamais. J'ai commencé à écrire trois ans plus tard, à la suite d'une blague avec une amie instit, pour connaître un éditeur susceptible de payer la fabrication d'un livre écrit par mes élèves.
· Pour qui écris-tu ? A moins que ce ne soit pour un public ? Pour être lu ?
J'écris pour ceux que mes histoires peuvent peut-être toucher, avec qui je pourrai peut-être partager mes émotions, pour aussi semer quelques graines dans la tête de mes lecteurs. J'écris donc pour être lu.
· Le public/l’éditeur t’ont-ils influencé à un moment donné ?
Je ne pense pas que le public m'influence. Cela dit... Quant à l'éditeur, un bon est un peu comme une bonne terre qui va permettre à la graine de donner une belle plante. Le potentiel est là et il facilite l'épanouissement. Un mauvais éditeur est une mauvaise terre qui gêne la plante et l'empêche de donner le meilleur d'elle même.
· Cette fameuse imagination, d’où vient-elle ? De quoi t’inspires-tu ?
Mon imagination vient de mon enfance. Tout pouvait devenir jouet pour moi, au gré de mon imaginaire qui transformait allègrement. Aujourd'hui, j'utilise cette même imagination, même si je l'ai développée et, surtout, canalisée.
· Comment procèdes-tu pour écrire ? Un plan ? des carnets ?
Je prends des notes, évidemment, j'accumule aussi un maximum de documentation et, quand je me sens prêt, j'écris un synopsis que je retravaille autant que nécessaire, jusqu'à ce que je me sente mûr pour l'écriture. Le premier jet vient rapidement. Je ne me préoccupe alors que de laisser parler mes émotions et recommence ensuite autant que nécessaire, jusqu'à ce que le texte me convienne.
· A quel moment de la journée écris-tu ? Avec quoi ? Une heure précise ?
As-t besoin d’isolement ?
J'écris de 8h à 22h00 par petites tranches d'une demi-heure/trois quarts d'heure, avec un ordinateur, dans mon bureau où je suis isolé... car la moindre petite chose me dérange.
· Qui te lis en 1er ? Un proche ? Pourquoi ?
Ma compagne. C'est une excellente lectrice qui sait parfaitement m'apporter un regard extérieur de qualité. Elle me permet d'envoyer aux éditeurs que des versions déjà relativement abouties.
· Qu’aimerais-tu écrire ? un sujet que tu n’as pas abordé et qui te taraude ? un genre ?
Tout ce que je n'ai pas encore écrit et ma vie n'y suffira pas.
· Ecrire à 4 mains cela te tente-t-il ?
Je le fais déjà beaucoup (Voir dans la rubrique « écriture à quatre main », la longue interview de Philippe Barbeau et de Roger Judenne)
· Est-il facile de vivre de sa plume ? Exerces-tu un autre métier ?
Non, c'est difficile, très difficile et c'est un combat quotidien, les acquis étant sans cesse remis en cause. J'ai été instituteur et suis devenu professionnel 9 ans après la sortie de mon premier livre... et je le suis depuis 15 ans.
· Qualités et défauts de l‘Homme ? qui rejaillissent sur l’écrivain ?
Têtu, avec les émotions à fleur de peau.
Tes personnages :
· Comment crées-tu tes personnages ?
L'idée de départ me les imposent. Tous sont au service de cette idée.
· Est-ce que ce sont tes personnages qui te mènent ? Par exemple, peuvent-ils te faire changer de voie en cours d’écriture ?
J'essaye de les mener mais ils me mènent parfois et m'amènent de temps en temps à changer en court d'écriture.
· Qu’aimes-tu le plus dans la création du personnage ? L’aspect psychologique ?
J'aime le faire vivre, me glisser dans sa peau.
· Quel est le personnage que tu as crée et qui t’a posé le plus de souci Pourquoi ?
Pas des soucis, des craintes. C'est Eliane et, Eliane, c'était ma mère et je n'avais pas le droit de la trahir.
· Quel personnage de papier que tu as inventé aimes-tu le plus ?
En général, le dernier que j'ai créé parce que je m'en sens encore très proche. Trois m'ont tout de même marqué et me marquent encore : Vermillon, Eliane et Le type.
Les lieux :
· Comment t’inspires-tu pour créer un lieu ? Une atmosphère ?
Je me documente, m'inspire de photos, voire je me rends sur des lieux qui accueilleront peut-être mon histoire.
· Te rends-tu sur place ? Visites-tu beaucoup ?
Beaucoup n'est peut-être pas le mot mais je voyage tout de même assez souvent.
· Est-il facile de partir de rien ou de ce que l’on connaît ?
Je pars plus facilement de ce que je connais, quoique... partir de rien, ce qui m'arrive de temps en temps, peut laisser plus de liberté.