· Jean-Luc,comment crées-tu tes personnages ?
Le personnage principal vient souvent tout seul, il s’impose de lui-même, comme une émanation de moi. J’ai parfois quelques idées sur sa personnalité ou son passé, mais pour le reste, je le laisse agir à sa guise, s’affirmer, selon ma fantaisie, puisqu’il est mon avatar, ma porte d’entrée pour mes univers.
Quand j’écris mon histoire, c’est moi que je projette dans les situations que je décris, mon personnage agit donc comme je souhaiterais agir (ou espèrerais le faire).
Il est évident que mon personnage principal est la projection de ce que souhaiterais être, et pas forcément de ce que je suis, mais c’est justement la beauté et le bonheur de l’écriture, être celui qu’on a toujours rêvé d’être. Ou son exact opposé.
· Est-ce que ce sont tes personnages qui te mènent ? Par exemple, peuvent-ils te faire changer de voie en cours d’écriture ?
J’aurais tendance à dire que c’est moi qui mène les personnages où je souhaite les conduire, et généralement aucun ne me fait changer la trame ou la fin de l’histoire. Mais il arrive que certains personnages, que je n’avais pas prévu au départ, ou que j’avais juste créés pour un rôle subalterne et qui étaient destinés à disparaître de l’histoire dès leur petite scène jouée, finissent par acquérir une vie propre et gagnent finalement un rôle de tout premier plan. C’est le cas de Matthieu, le galoup noir au cour trop grand, qui, dans le troisième tome de Louis le Galoup, devait juste servir à transmettre un message de Dame Stéphanie, la mère de Louis, à mon héros. Je me suis attaché à Matthieu dès la première description, et n’ai pas pu me résoudre à le faire disparaître. Il est donc resté et a finalement gagné un des tout premiers rôles de la saga.
J’aime quand ce genre d’alchimie se produit, cela me donne l’impression que l’histoire se déroule en dehors de ce que j’avais prévu, qu’elle m’attire vers des sentiers que je n’avais pas vu, qu’elle se met à vivre par elle-même… c’est un moment grisant.
· Qu’aimes-tu le plus dans la création du personnage ? L’aspect psychologique ?
Bien sûr, il est passionnant, pour l’auteur, quand il a créé ses personnages, de se pencher sur eux et de découvrir ce qu’ils lui révèlent sur lui-même, car après tout il ne faut pas oublier que si nous sommes nos héros, nous sommes aussi nos salauds… Nous projetons dans nos héros notre lumière et nos hautes aspirations, et dans nos méchants nos peurs et nos démons…C’est fascinant et effrayant à la fois.
Pour un auteur, chaque roman est une quête initiatique. A travers les interrogations et le voyage intérieur de ses personnages, c’est lui-même qu’il interroge et qu’il questionne. Ecrire c’est un voyage à la recherche de soi-même.
· Quel est le personnage que tu as crée et qui t'a posé le plus de souci Pourquoi ?
J’ai beau chercher, je n’en vois aucun qui m’ait réellement « posé de souci ». Ou alors si, dans le dernier livre que je viens d’écrire « La Geste d’Alban » le premier d’une nouvelle saga dans l’univers du Galoup mais se déroulant 300 ans plus tôt… le personnage de l’héroïne.
D’habitude mes personnages et leur psychologie sont bien fixés quand j’entame un récit, je les connais, et même s’ils évoluent pendant l’histoire, je sais d’où ils partent…. Pour elle, cette fois, c’était l’inconnu. Je l’ai rencontrée en même temps que le héros, j’en sais, sur elle et ses origines, bien plus que le héros, mais pour une fois, je ne connaissais pas à l’avance sa personnalité et son caractère, je les ai découverts en même temps que mon héros, c’était à la fois frustrant et fascinant…
· Quel personnage de papier que tu as inventé aimes-tu le plus ?
C’est une question difficile, mais je dois avouer que j’ai un faible pour Faëllia, dans « Frankia » une de mes séries, dont je suis éperdument amoureux, mais aussi pour sa sœur déchue, Ishaëna, un personnage terrible et tourmenté. Elles ont, à toutes les deux, certaines des scènes les plus marquantes et poignantes (pour moi) que j’ai écrites.
J’ai aussi un faible pour Fanie et Johan, deux des héros du « Dernier Hiver » un de mes livres qui n’est pas encore publié à ce jour. Des adolescents tourmentés mais fascinants et touchants tous les deux qui m’ont énormément ému et m’ont fait découvrir sur moi des choses que je ne soupçonnais pas.
Et Louis, Séverin et la Roussotte, bien sûr, Thierry, le Galoup Blanc, et Malemort et ce démon de Siblaire…
Et Von Wolf, un des méchant de Frankia dont je ne suis pas peu fier, surtout dans sa première apparition.
Et puis d’autres, tant d’autres, Morkhaï, Gralk et d’autres encore que je ne pourrai citer ici, en fait, je les aime tous…