Combien de fois ais-je reçu des mails enthousiastes de jeunes qui me disaient : je vais être édité, mais c’est cher, ça va couter 1000, 2000, 3000 euros à mes parents…
Sophie-Audouin-Mamkinioan , l'auteur de la célèbre Tara Duncan, propose quelques règles très simples :
Comment être édité ?
1) Un éditeur est un acheteur. Rien de plus, rien de moins. Il va vous payer pour avoir le droit d’éditer votre livre.
Mon premier livre, par exemple m’a été payé 3100 euros. J’avais en plus, un pourcentage sur chaque livre vendu qui allait de 10% du prix hors taxes jusqu’à 10 000 exemplaires vendus, 12 % au dessus de 20 000, 14% à partir de 50 000 exemplaires vendus. L’éditeur se rembourse de l’avance, c’est à dire qu’il ne commence à vous payer la seconde partie, c’est à dire les pourcentages sur livre vendu, qu’à partir du moment où la somme de 3100 euros, la fameuse “avance”, est remboursée par les ventes de livre. Donc, quoi qu’il arrive, sauf aux éditions Plon qui ont exigé le remboursement de mon avance lorsqu’ils ont décidé de ne pas me publier après m’avoir signé mon contrat (ce qui est minable et se pratique très peu dans le milieu), vous garderez cet argent, même si votre livre ne se vend pas du tout.
2) Quel est le travail de l’éditeur ?
A) Il travaille votre livre avec vous. Vous signale vos erreurs, ce qui va et ne va pas. Soyons clairs, les éditeurs sont des êtres humains comme les autres, il y en a des bons et des mauvais. Mais en général, ils sont plutôt de bon conseil.
B) Ensuite, l’éditeur va faire travailler les graphistes afin que vous ayez la couverture la plus efficace possible. Il y a des outils marketing pour cela. Les éditeurs qui pincent le nez en disant qu’ils ne font pas de livres commerciaux utilisent exactement les mêmes outils, c’est toute l’ironie de ce curieux métier. C’est là où les éditeurs sont crucifiés. Ils disent faire un métier très noble, intellectuel et tout et tout, sauf que ce métier doit payer leur steak de tous les jours. Donc pas le choix, ils doivent vendre…
C) L’autre grand atout de l’éditeur, c’est qu’il dispose d’un circuit de distribution. C’est à dire que ses commerciaux vont aller voir les librairies, les supermarchés etc afin qu’ils prennent votre livre. En fonction du nombre de livres qui sont mis en place, vous avez une plus ou moins grosse exposition. Par exemple aujourd’hui, Tara Duncan est mise en place à 50 000 exemplaires. Pour mon premier livre, Seuil l’avait mis en place à 8 000 exemplaires.
D) Ensuite, pour en faire la promotion, l’éditeur fait intervenir une attachée de presse. Là aussi, il y a de bonnes attachées de presse et des mauvaises. C’est un métier passionnant, mais terrible. Les journalistes sont de plus en plus submergés par des centaines de livres à lire ou à défendre et selon le talent de l’attachée de presse, le vôtre peu parfaitement passer à la trappe. C’est ce qui est arrivé à mon amie Martine Mairal, avec son excellent polar “Lorsque la lune sera bleue” qui n’a eu quasiment aucun papier. Elle a clairement eu un mauvais attaché de presse, ou pire, un attaché de presse qui avait d’autres livres plus “importants” à défendre. Comme des livres “people” qui sont faciles à placer auprès des journalistes, surtout de télévision.
En revanche, lorsqu’on en a une bonne, comme celle de chez XO, c’est total bonheur. Attention, cela ne veut pas forcément dire que les articles seront élogieux hein, mais au moins, les journalistes en parleront et c’est ce qui est important…
E) Enfin, ce qui est loin d’être négligeable, il y a aussi tous les services annexes : Déclinaison de votre livre au cinéma ou à la télé, vente de votre livre aux éditeurs étrangers. Chaque année, il y a ce qu’on appelle des “book fairs” dans le monde entier, où les éditeurs envoient leurs services de droits étrangers montrer votre livre et essayer de le vendre. C’est comme ça que Seuil a vendu mon livre dans 12 pays. Chaque pays paye une somme forfaitaire et un pourcentage sur les ventes, cet argent est partagé à 50/50 avec l’éditeur. Enfin, il y a la négociation des droits avec les livres de poches, qui sont d’autres maisons d’éditions spécialisées. Là aussi, l’argent est partagé en deux.
Tout ceci, un imprimeur est incapable de le faire, bien évidemment.
Alors, ces soi-disant maisons d’édition qui vous annoncent qu’ils vont vous publier si vous les payez sont ce qu’on appelle des maisons à compte d’auteur. C’est en fait, comme si vous vous publiez vous-même. Et là, bien évidemment, ils acceptent tous les textes, même les plus mauvais, puisqu’ils veulent juste faire du chiffre d’affaire. Donc en aucun cas cela ne démontre de la qualité de votre texte.
Publié dans
http://www.taraduncan.com/blog/
Dans Maaaa vie — Par Sophie Audouin-Mamikonian le Dimanche 11 avril 2010 @ 12:06