Le thriller selon… Anne Fakhouri
Thriller n.m (angl.) : roman à lire le soir, dans son lit, pour être sûr de rester éveillé. Depuis les années 90, le succès du thriller a provoqué une hausse des factures d’électricité et de la vente des médicaments pour le cœur. Exemple: « J’ai lu un thriller hier soir, j’ai dû allumer toutes les lumières pour aller aux toilettes. »
Synonyme: roman qui fiche la trouille. Antonyme: essai scientifique (connu pour ses effets hautement soporifiques).
Le thriller selon… Samantha Bailly
Le thriller est l’expression d’une tension. C’est le coup au cœur, la peur qui empoigne, la menace indicible. Ce genre prend racines dans nos angoisses profondes, notre paranoïa peut-être ? Il y a un aspect ambivalent dans le thriller : ce qui nous poursuit mais qui n’a pas de visage, une part d’inconnu qui ne demande qu’à être dévoilée. On y retrouve le doute, les pistes qui se dessinent et s’effacent, les hypothèses qui se multiplient. Et bien sûr, plus qu’une succession de faits marquants, c’est entrer dans la chair des personnages, trembler dans le miroir des pages.
Le thriller selon… Anne Beddingfeld
Le thriller, c’est le frisson, celui qui me parcourait l’échine lorsque je lisais les romans d’une femme qui n’a jamais existé, Caroline Quine. Une des héroïnes de ce collectif d’auteurs, ma préférée, s’appelait en France Alice Roy. Quoi ? Alice ? Ce n’est pas du thriller, me direz-vous ! Eh bien, si. Il y a dans l’univers de cette jeune détective (Nancy Drew en VO, rappelons-le), de la vitesse, du mystère, des rebondissements… Alice risque sa vie, affronte des méchants, conduit un cabriolet à tombeau ouvert. Les titres des cinquante-six romans originaux portent la promesse d’une évasion sans limites : Alice et le talisman d’ivoire, Alice et le tiroir secret, Alice et le témoin prisonnier… Et qu’est-ce donc que le thriller, sinon la promesse d’un départ pour une destination inconnue ? Alice, comme Jo Mendès, c’est l’héroïne que j’ai toujours voulu être !
Le thriller selon… Charlotte Bousquet
Vous rappelez-vous ce cauchemar dans lequel vous êtes traqué, dans une forêt touffue, par cette présence sombre et implacable ? Mais si… Les relents de feuilles mortes et de mousse vous oppressent ; les ronces s’accrochent à vos cheveux, égratignent vos bras nus ; les branches des arbres déformées par la pâle lumière de la lune ressemblent à d’énormes serres. Vous accélérez, pourtant cela se rapproche. Et puis, vous trébuchez… Le thriller, c’est ça. L’instant où vous basculez dans la peau du personnage. L’instant où vos émotions et les siennes se confondent, où vous vivez son histoire. Et peu importe sa nature – noire, sociale, horrifique, fantastique, écologique, fantasyste. Ce qui compte, c’est qu’il vous emporte.
Le thriller selon… Johan Heliot
Alors c’est quoi, dis, le frileur (dans la langue d’Alfred Hitchcock et de Michael Jackson : « thriller », répète après moi…) ?
Bon, essaye d’imaginer : tu te relèves au beau milieu de la nuit, avec un drôle de creux à l’estomac, tu tâtonnes à la recherche de l’interrupteur de ta lampe de chevet mais l’ampoule a grillé, tu quittes ton lit douillet et poses ton pied nu sur le parquet glacé, tu traverses la chambre envahie par de poisseuses ténèbres, tu fais grincer les lattes du vieux plancher dans le couloir, tu descends les marches de l’escalier une par une accompagné par les battements de ton propre cœur, tu atteins le rez-de-chaussée… et soudain une ombre furieuse se jette dans tes jambes ! Ouf ce n’est que le chat… tu te remets de ton attaque cardiaque et tu te diriges vers la cuisine illuminée par un clair de pleine lune blafard, tu t’approches du frigo en retenant ton souffle, la sensation de vide dans ton estomac s’est soudain accrue, tu ouvres la porte du frigo. Et là, c’est L’HORREUR : il n’y a plus aucun de tes yaourts préférés !
On ne bouffe pas impunément tes Chocolaits (marque déposée). Ta vengeance sera terrible, tu vas devenir un authentique génie du Mal (avec la majuscule) et ourdir tout un tas de complots alambiqués et dévastateurs…
Ou alors tu retournes te coucher, c’est toi qui vois.
Mais tu as eu la pétoche, hein ?
C’est ça, le frileur.
Bonne nuit !
Le thriller selon… Marin Ledun
Le thriller est affaire de sensibilité – sensibilité du lecteur s’entend. Il prône l’individu face la société ; la victime contre le reste du monde ; l’ordre versus le chaos. Il puise son inconstance partout, à tous les récits, toutes les techniques, toutes les valeurs, mêmes les plus antonymiques. C’est une littérature d’époque, faite d’ordre, d’images éphémères, de frissons consomatistes et de séquençage. Tremblez, lecteurs !
Le thriller selon… Philip Le Roy
Le thriller, c’est l’histoire d’un amnésique pris pour cible par des inconnus retors et aidé par une femme fatale dans son vain acharnement à essayer de nous faire croire que les choses ne vont pas si mal se passer.
C’est une pluie battante, trois notes de piano, une main qui se lève au mauvais moment ou une phrase de fin de chapitre comme « Albert avait l’impression que la cabine principale du 767 était vide de tout occupant » ou « Le bruit, cependant persistait. C’était une petite fille criant à pleins poumons » (extraits de Les Langoliers de Stephen King).
Le thriller, c’est Clarice Starling qui, traquée par Kaiser Söze, prendrait une douche au Bates Motel. C’est Jason Bourne qui convoquerait Paul Sheldon et John Doe au Fight Club dont les entrées seraient filtrées par un vigile incassable.
Cela peut aussi être l’histoire d’une bande de jeune handicapés transformés en armes de guerre pour sauver la planète d’une apocalypse écologique.
Bref, le thriller, c’est séduire le lecteur ou le spectateur en le menaçant.
Le thriller selon… Laurent Queyssi
Le thriller c’est :
- une tête dans une boite
- un type qui court dans un champ poursuivi par un avion
- du poison sur un vieux manuscrit
- un petit gars qui s’entraîne pour le marathon à New-York
- deux soldats qui parlent du silver surfer dans un sous-marin
- un cannibale derrière une vitre blindée
- une chanson de Michael Jackson
- un agent de la défense qui tire dans le genou d’un terroriste
- un hacker blond qui pirate un standard téléphonique
- un agent d’entretien qui n’attrape jamais un rhume
Et celui qui trouve les dix titres auxquels je fais référence gagne un ex d’Infiltrés ;-D
Le thriller selon… Paul Halter
Pour faire court, une histoire qui fait peur. Mais il y a peur et peur. La peur ordinaire est celle qui vous place devant un ennemi implacable et clairement identifié. Comme si vous rencontriez, au détour d’une ruelle, Satan armé de sa fourche, un sérial-killer ou un tigre affamé. La peur du thriller, elle, est plus vague, plus floue, plus insidieuse. L’ennemi reste dans l’ombre, on entend tout juste son pas furtif. Il n’a pas de visage. Le soupçon l’emporte sur la raison, au point que l’on doute même de son existence. Le mystère et l’inconnu s’ajoutent à la peur. En somme, nous avons là les ingrédients classiques du roman policier. Mais le thriller, lui, ne connaît pas de pause : l’aventure est vécue tambour battant. Un danger en cache toujours un autre. Les héros se débattent en eaux troubles, avant d’être happés, bien sûr, par l’implacable Spiral(e)…
Le thriller selon… Hervé Jubert
Un genre sans pitié, pour l’auteur comme pour le lecteur.
Le meilleur moyen de rater sa station de métro.
Une mécanique qui doit fonctionner au quart de tour.
Un équilibre subtil entre l’improbable et le « et si ça m’arrivait ? »
Peut-être, aujourd’hui, l’outil le plus efficace et le plus honnête dont disposent les raconteurs d’histoires. Nous sommes censés mentir à des lecteurs consentants et les malmener sur quelques centaines de pages. Le thriller s’y prête parfaitement.
Le thriller selon… Fabien Clavel
On définit le thriller par le frisson mais, selon moi, ce qui incarne le mieux l’idée de thriller, c’est la course-poursuite. Le héros fuit un adversaire et en même temps traque un autre adversaire, parfois le même. À certains moments, on oublie même pourquoi le héros court. C’est vital, simplement. La scène emblématique serait alors, dans « La mort aux trousses » de Hitchcock, le fameux moment où le héros est attaqué par un avion sans que l’on sache d’où vient cet avion ni pourquoi le pilote cherche à le tuer. D’ailleurs on n’en reparle même plus au cours du film. Le thriller, c’est une manière de saisir le personnage en plein effort de course, à la fois chasseur et gibier. D’ailleurs, la variante peut être de l’empêcher de fuir alors qu’il en aurait vraiment envie. Ou bien donner à cette course une allure plus abstraite. C’est en tout cas dans cet élan, amplifié ou empêché, réel ou symbolique, qu’on trouve la quintessence du thriller. Et la course n’est plus alors seulement une scène d’action mais un état de la condition humaine.