Pierre BOTTERO,
le Seigneur des ados !
Pierre Bottero était fier d’être un auteur jeunesse - une littérature qui n’a rien à envier en qualité à la littérature
« vieillesse. » S’il n’était pas qu’un auteur de fantasy, il faut bien reconnaître que c’est à cette littérature de l’Imaginaire qu’il dût son incroyable succès !
Dès l’enfance, il tombait dans la marmite de la fantasy. Il dévorait Tolkien (Un choc ! S’en suivi, plus tard, l’idée que la fantasy ne pouvait s’écrire que sous la forme d’une
trilogie), Zelasny, Farmer, Moorcock, Vinge, Howard… Les grands noms qui allaient lui permettre de
devenir l’auteur que nous connaissons. Plus tard, il appréciera les auteurs « jeunesse » tels que Erik
L’homme, Hervé Jubert, Fabrice Colin ou Philip Pullman, Eoin Colfer pour ne citer qu’eux. Il n’y a pas de concurrence en littérature jeunesse, les auteurs s’apprécient, se
côtoient, se téléphonent, se rencontrent, se parlent, rêvent ensemble d’histoires communes. Ainsi Erik L’Homme et Pierre imaginaient ensemble, « A comme assassins »…
De ses lectures, Pierre Bottero ne devait pas ressortir indemne.
C’est par hasard qu’il se
lançait dans l’écriture, pour aider sa fille qui séchait devant un concours d'écriture : il rédigeait quelques pages sur son ordinateur, se piquait au jeu, poursuivait (son épouse réclamait
la suite), envoyait le texte à un éditeur qui le publiait... Il était dit qu’il n’arrêterait plu. Marqué à tout jamais par Tolkien, il était évident qu’un jour, il s’essaierait à la fantasy.
C’est ainsi que naquirent « La quête d’Ewilan », « Les mondes d’Ewilan » et « Le pacte des Machombres. »
Pierre Bottero se fichait éperdument du cadre dans lequel on allait placer ses romans. Mais pour les « techniciens, l’auteur
lui-même évoquait la Low Fantasy. Il s’agit d’une low fantasy - inspirée par ses jeux d'enfant, ses rêves d'adulte, ses lectures et les émotions ressenties au quotidien - dans laquelle existe un
équilibre entre le bien et le mal, le courage, la volonté et la détermination où domine le désir de tout ramener à des intérêts individuels
(égoïsme forcené, aveuglement quant à la mise en danger des équilibres…). Un parallèle pourrait d’ailleurs être établi entre le chaos décrit et notre
monde réel. Mais attention. Les propos de Pierre ne demeurent pas sombres, ils restent optimistes. Pour avancer ! Avec pour personnages principaux des… femmes. Pierre était
fondamentalement féministe. Il aimait à dire qu’il y avait moins de « cons » chez elles que chez les hommes. Toutefois, Pierer Bottero n’a jamais cherché à donner des leçons, il se méfiait trop pour cela des « transmetteurs » de
valeurs et des donneurs de leçons. Le livre était pour lui un objet de partage.
Ce partage, il l’avait avec sa famille qui appréciait ce qu’il écrivait et qui le rassurait : Claudine, son épouse, ses deux
filles lisaient ce qu’il écrivait avant publication.
Lorsque Pierre Bottero était invité dans un salon du livre pour une dédicace, il faisait partie des auteurs les plus demandés (il
ne faisait pas bon signer à côté de lui !) : les impressionnantes files d’attentes composées de lecteurs (jeunes et moins… jeunes !) en témoignaient. C’est avec émotion qu’ils
recevaient tous les messages de sympathie et… d’amour. Ses livres touchaient, ses histoires permettaient le partage et faisaient rêver, Pierre vivait alors une aventure … magique.
Il avait beau affolé le compteur des ventes, ce qui avait un réel impact sur lui, c’était : de percevoir la flamme dans les yeux de ses « fans » (euh ! il n’aimait pas le mot), de recevoir leurs avis, de parler avec eux.
Tant d’amour le gonflait à bloc et lui transmettait une énergie positive.
C’est pourquoi, ce succès
(qui lui permit d’abandonner son métier d’instituteur) qu’il percevait intensément, à la fois avec bonheur (évidemment !) et tranquillité, lui donnait également un sentiment de responsabilité. Ainsi, s’il savait se montrer reconnaissant envers ceux qui l’avaient aidé à améliorer
son écriture (Caroline Westberg, son éditrice chez Rageot), il avait également de la considération pour ce public à qui
il devait tant. Quand vous rencontriez Pierre, assis derrière sa table de dédicace, vous aviez le sentiment qu’il n’attendait que vous ! Pierre veillait soigneusement à être proche de son
« public », un de ses… bonheurs. Il respectait humainement ses visiteurs et ses lecteurs en leur offrant des histoires dont il voulait qu’elles évitent facilité et démagogie. Il
apportait ainsi beaucoup de soin et d’exigences aux corrections, un travail exigeant, vorace en temps et en énergie.
L’écriture de Pierre Bottero avec « Le
pacte des marchombres » avait atteint une belle maturité. C’est ce que
Pierre lui-même soulignait quand il affirmait que « c’est en écrivant qu’on apprend à écrire. » En effet, cette dernière trilogie qui met en scène le personnage d’Ellana est moins
légère, plus complexe, que celle de « La quête d’Ewilan » : l’auteur avait
eu le sentiment d’avoir grandi, évolué et de s’être trouvé, un sentiment accompagné par le désir de partager encore davantage avec le lecteur. Pierre Bottero était un homme intègre, voilà pourquoi il continue d’être autant aimé. A la lecture de ses trilogies, cette
sincérité transpire. Pierre prenait un immense plaisir à écrire, à « rêver », à imaginer le monde (issu d’un vieux rêve de liberté absolue)
d’Ewilan, d'Ellana. Il prenait un immense plaisir lorsque d’autres que lui se baladaient dans "ses" mondes. Pierre Bottero écrivait pour être lu mais aussi pour explorer des contrées inconnues
(se connaître lui-même ?) et entraîner à sa suite tous ceux qui étaient tentés par l'aventure... Quand il mettait le point final, c’était à la fois une joie (celle d’avoir terminée et d’être
satisfait du résultat) et une déchirure (celle de quitter l’univers crée)… Un sentiment d'être coupé d'une part de soi-même avec l’irrésistible envie de replonger très vite.
Pierre le « poète » accordait beaucoup d’importance au travail de réflexion qui précède l’écriture. Lorsqu’il
attaquait le premier chapitre d’un roman, la trame générale était dans son esprit, il connaissait très bien ses personnages. Ensuite, plongé dans le cœur du roman, il écrivait sans arrêt, du
matin au soir, parfois pendant la nuit. Puis, il pouvait ne plus écrire pendant des semaines Enfin, presque car il écrivait toujours… dans sa tête. Quand il n’écrivait pas, il écrivait sans
écrire. Pierre était un homme normal qui aimait lire, courir, menuiser, bucheronner, voyager, rencontrer, parler, rêver… et sourire ! Ah, ce sourire !I
L’écriture de Pierre était une écriture « vraie », sans complaisance, une écriture qui venait des tripes, un cadeau
offert au lecteur. Il n’était satisfait que si les mots qu’il employait correspondaient réellement à ce qu’il souhaitait écrire. Cette honnêteté, il la devait à ses lecteurs. Pierre était un
travailleur qui reprenait, sans cesse, son récit, la cohérence, le fond, la forme…
C’est pourquoi il prenait grand soin, malgré les pressions des lecteurs, de ne pas chercher à publier, à tout prix, trop rapidement. Il était persuadé qu’il valait mieux patienter et faire
patienter plutôt que de se décevoir et décevoir. Il pendait qu’il fallait laisser le temps à l’histoire de pousser, à son rythme...
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"Le Loup à la voix de miel"
Marc SEASSAU (Grasset jeunesse)
J’ai fait venir dans le collège où je travaillais alors, l’écrivain Marc Séassau. La journée fut belle et pleine
d’émotion notamment lorsque Marc anima une rencontre à deux voix (j’adore organiser ce genre de rencontres : 2 auteurs face à une classe en même temps !) avec Jean-Côme
NOGUES qu’il avait adoré lire lorsqu’il était ado.
Marc Séassau a écrit ce roman « Le loup à la voix de miel » parce qu’il a été marqué par sa convocation comme juré dans une affaire de
viol. Dans son récit, il narre l’entrée en 6ème d’une petite fille qui, anonymement, dépose des extraits de « Peau d’âne » dans les poches, de sa
« marraine », une élève de 3ème. L’appel au secours était évident !
Cette rencontre a déclenché un phénomène pour le moins inattendu dont j'ai été le témoin, involontaire : il m'a fallu trois semaines pour
comprendre ce qui m’arrivais !
Je trouvais régulièrement par
terre, dans le CDI, toujours disposées par deux, des photos représentants des scènes classiques de la vie d'une famille avec une de nos élèves de 6ème (anniversaires...). J'ai
évidemment rendu ces photos à l'élève qui, agressive, semblait ne pas comprendre pourquoi je détenais son bien. C'est tout juste si elle acceptait de reconnaître qu'il s'agissait d'elle
sur les clichés ! Ces scènes se sont régulièrement reproduites ( trois, quatre fois pendant trois semaines) jusqu'au jour où j'ai eu un déclic : une seule photo sur le sol évoquant la
petite sur les genoux d'un homme. J'ai de suite compris (Peau d’âne !), j'ai alerté l'infirmière, la Principale du collège... Cette élève avait eu l’idée de reproduire ce que l’héroïne du
roman faisait.
Voilà ce qu'uns simple rencontre d'écrivain peut entraîner en dehors du plaisir de lire.
Le roman avait libéré la parole de l’élève !
Nous en avons évidemment parlé avec Marc Séassau qui était évidemment KO :
comment ne pas l'être ? Il avait écrit ce roman un peu dans un but pédagogique mais quand la réalité dépasse la fiction...