Pour la fin du printemps 2011, la maison d’édition genevoise La Joie de lire propose quatre titres qui devraient passionner le jeune lectorat féminin sans pour autant laisser indifférent les garçons.
Alice Vieira (qui jouit d’une grande renommée dans les pays lusophones) donne Le Mariage de ma mère dans la collection "Récits", ici ce titre ne semble pas accessible avant l’âge de dix ans pas tant par la quantité de texte que par son contenu. Dominique Nédelec, qui a une respectable expérience de la traduction du portugais pour les livres de jeunesse, a su rendre les non-dits qui peuplent la souffrance de l’héroïne. L’héroïne Vera a été confiée à sa naissance par sa mère (mannequin parcourant le monde pour son travail) à un lointain cousin qui décède et c’est sa veuve qui seule continue de s’occuper d’elle. Elle ignore totalement qui peut être son père et les maîtresses d’école primaire se sont montrées maladroites par rapport à sa situation familiale. Vera se bâtit un monde épistolaire où elle rédige les lettres qu’elle se persuade recevoir et celles qu’elle se convainc envoyer (cette dimension essentielle pas explicitée pendant de nombreuses pages fait de ce roman un texte résistant). Boulotte, elle pratique un absentéisme important au collège, ce qui renforce son échec scolaire. Sa bouée de sauvetage est la mère de l’homme qui devient le mari de sa mère, leur rencontre est chaleureuse et une perspective de vie commune de l’héroïne, de la mère du marié et du jeune couple s’ouvre. Ce roman dépeint donc, de façon certes secondaire pour l’action, des situations rarement traitées en littérature de jeunesse : une enfant qui ne sait pas qui est son père, l’absentéisme et l’échec scolaires.
Un autre univers familial éprouvant est décrit dans l’album Vassilia (pour enfants à partir de cinq ans) où l’héroïne éponyme perd sa mère dès le début de l’album ; toutefois l’héroïne se persuade que sa mère lui a confié une poupée pour la protéger. Son père doit s’absenter et elle souffre des mauvais traitements dus à sa belle-mère et aux enfants de celle-ci. Elles l’envoient dans les mains d’une sorcière pour s’en débarrasser définitivement ; toutefois par les conseils qu’elle croît trouver auprès de sa poupée Vassilia elle repart avec un feu qui immole sa marâtre et les filles de cette dernière. Recueillie par une grand-mère qui lui apprend à coudre des vêtements aux qualités extraordinaires, ceux-ci suscitent l’intérêt du roi qui, après avoir fait sa connaissance, se trouve séduit et l’histoire se conclut par un mariage. Comme il s’agit d’une adaptation d’un conte russe, la sorcière est nommée par les termes de "Baba Yaga". L’auteur illustratrice Chiarra Carrer a su rendre la façon terrifiante dont l’héroïne s’imaginait être la sorcière ; elle a commis de nombreuses illustrations de livres pour enfants et elle a été remarquée par ses travaux pour un Alice au pays des merveilles et un Petit Chaperon rouge.
Beatrice Masini est également italienne, son texte 101 Bonnes raisons de se réjouir d’être une fille est illustrée par Guillaume Long un Suisse qui vit dans le département du Jura en Franche-Comté ; il a une grande expérience de la BD et son album Anatomie de l'éponge était partiellement autobiographique. Pour des petites filles qui regardent les actions qui sont tolérées aux garçons avec envie et qui leur sont déconseillées, ce titre rassemble sous forme d’une petite phrase une des 101 raisons qui décrivent des actions plutôt propres aux filles. Les propositions font alterner les compétences habituellement attribuées aux filles, la perspective de ne pas les avoir, des agissements caractérisant traditionnellement les garçons et des comportements originaux. Chaque proposition est illustrée par un dessin à fort contenu narratif apportant une note supplémentaire humoristique. Seules des fillettes d’au moins huit ans peuvent goûter l’humour de l’ouvrage, vues les situations mises en scène, de ce fait des adolescentes en quête de leur identité féminine découvriront avec grand plaisir ces mêmes situations. Il est à noter qu’il s’agit là du troisième volume d’un ensemble dont les deux premiers titres s’intitulaient 101 Bonnes Raisons de se réjouir de lire, et 101 Bonnes Raisons de se réjouir d’être un enfant.
L’ouvrage Si papa, si maman présente une illustration de Bruno Heitz, au style bien connu des jeunes lecteurs, sur un texte de Francine Bouchet qui dirige la maison d’édition La Joie de lire où ce livre est édité. La question de l’identité sexuelle est abordée sous un autre angle, impliquant jeunes garçons autant de petites filles. Cet ouvrage permet une double lecture selon l’âge du lecteur, pour des enfants de l’âge de l’école maternelle il suscite le rire en permettant de réfléchir sur les caractéristiques traditionnelles des hommes et des femmes, pour les enfants plus âgés (entre six et dix ans) il incite à une réflexion permettant de remettre en cause les attributs caractérisant chaque genre.
Alice Vieira. Le Mariage de ma mère. Joie de lire, 2011. Traduction Dominique Nédelec. Prix : 9.50 €.
Chiaraz Carer. Vassilia. Joie de lire, 2011. Prix : 16 €.
Guillaume Long. 101 Bonnes Raisons de se réjouir d’être une fille. Joie de lire, 2011. Prix : 10 €.
Francine Bouchet ; Bruno Heitz. Si papa, si maman. Joie de lire, 2011. Prix : 9.90 €.
Merci à Alain Chiron pour cette information