· Marc, pourquoi écris-tu ? Est-ce quelque chose de facile à expliquer ?
Pourquoi est-ce que je lis ? Je crois que c’est la même chose. A cette question, Cendrars répondais « Parce que… ». J’ajouterai « En effet… »
· C’est quoi être écrivain ? Ecrire c’est quoi ?
Je crois qu’on est écrivain dans le regard des autres. Sont écrivains ceux qui m’ont fait partager les « instants » que j’évoquais plus haut. Ceux qui ont des lecteurs.
Ecrire, c’est autre chose.
Certains soirs ou certains matins, il m’est arrivé de me lire moi-même. Une sorte de délire schizo peut-être, comme si penché par-dessus mon épaule j’avais le pouvoir de lire ce qu’un autre écrivait. C’est peut-être cela écrire, à la fois pour soi et pour un autre.
· Que penses-tu des écoles américaines dans lesquelles on peut apprendre à écrire ? En France, elles n’existent pas. Quel écrivain es-tu ?
Les ateliers d’écriture sont une bonne école, je crois, pour plein de raisons. Entre autre parce qu’ils nous apprennent à écouter les autres. Il m’est arrivé de pratiquer. Le plus étonnant était là, quand un autre, en face de moi, lisait un texte qui me rendait lecteur.
· Arthur Ténor parle de lui comme étant un « explorateur de l’imaginaire. » As-tu une formule pour te caractériser ?
Pour parodier Arthur, expérimentateur plus qu’explorateur. Une idée passe, on la saisit, on essaie de lui donner corps. Explorer, c’est découvrir ce qui existait déjà. Pas écrire, je ne crois pas.
· L’écriture a-t-elle toujours été en toi ou est-ce quelque chose qui est arrivé tardivement dans ta vie ? Il y a t-il eu un élément déclencheur ?
J’ai écrit assez tôt, essentiellement pour moi.
La rupture s’est produite quand j’ai commencé à écrire pour les autres, assez tardivement.
· Pour qui écris-tu ? A moins que ce ne soit pour un public ? Pour être lu ?
Pour être lu, cf plus haut.
· Le public/l’éditeur t’ont-ils influencé à un moment donné ?
Comme je l’écrivais plus haut, ma fille a eu une influence prépondérante quand elle m’a dit que les héros de mes premiers livres terminaient à l’hôpital et que bon, ça suffisait comme ça. Après, il peut y avoir des livres plus ou moins commerciaux, bien sûr. Ca n’est pas très important. Chaque bouquin reste une aventure personnelle. Chacun met en scène des personnages auxquels nous faisons porter quelque chose qui nous appartient.
· Cette fameuse imagination, d’où vient-elle ? De quoi t’inspires-tu ?
Je n’aime pas le mot « inspiration », qui me rappelle les cours d’éducation physique où, genoux pliés, nous entendions un prof ânonner « inspirez, expirez… » Il y a aussi du divin dans le verbe « inspirer », un souffle de Dieu qui tombe de je ne sais où. Du travail, du travail, du travail et, je l’ai dit, le bonheur de voir des personnages prendre vie, exister de façon presque autonome. Les doigts qui frappent le clavier ou tracent des pattes de mouche sur la feuille, la rage ou la résignation des ratures, la lecture à haute voix pour s’entendre, le bonheur un peu triste d’éteindre l’histoire en posant le mot « fin ».
· Comment procèdes-tu pour écrire ? Un plan ? des carnets ?
Papier, souvent, pour poser les idées, construire l’histoire.
Quand tout va bien, quand l’histoire semble préexister, l’immense bonheur de laisser le texte s’écrire comme par lui même.
C’est rare.
Je suis trop souvent laborieux.
· A quel moment de la journée écris-tu ? Avec quoi ? Une heure précise ?
Des moments volés.
J’aime bien le matin, très tôt, avant d’aller travailler.
As-tu besoin d’isolement ?
Pas besoin. Je m’isole tout seul. Quand les enfants étaient à la maison, je pouvais écrire avec la télé, les bruits familiers. Mais toujours, la télé reste éteinte… Pas le lecteur de CD.
· Qui te lis en 1er ? Un proche ? Pourquoi ?
Pas un proche, surtout pas. Quelques amis m’aident parfois. Lire pour commenter, ce n’est plus vraiment lire. Il faut chercher, traquer, grommeler, se questionner, revenir en arrière, se demander, annoter…
· Qu’aimerais-tu écrire ? un sujet que tu n’as pas abordé et qui te taraude ? un genre ?
J’aimerais savoir écrire un long long long roman, des heures de lecture, un univers à partager pendant des jours et des jours. Certains y arrivent. En tant que lecteur, j’aime vraiment ces plongées.
· Ecrire à 4 mains cela te tente-t-il ?
Un roman avec marie Mélisou, « tremblements de Cœurs » chez Magnard. Belle expérience, très exigeante.
· Est-il facile de vivre de sa plume ? Exerces-tu un autre métier ?
Prof de lettres.
· Qualités et défauts de l‘Homme ? qui rejaillissent sur l’écrivain ?
Défauts, sans aucun doute. Lesquels ? Une pincée d’égoïsme probablement, quelques gouttes de nombrilisme J